Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et simplement d’une main sûre et consciencieuse. C’est une œuvre peut-être supérieure encore au Portrait de M. C… exposé, l’an dernier, par M. Aimé Morot et si justement remarqué.

M. Pelpel, « l’homme le plus gai et le meilleur de la terre », au dire même de son peintre et ami, M. Doucet, est assis carrément, les mains jointes, jouant avec ses pouces, le visage souriant, fleurissant et rosoyant parmi les blancheurs argentées de la barbe et des cheveux, en large paletot, dans un large fauteuil, comme il sied à un Mécène de l’industrie, accueillant et sans façons ; peinture d’un autre genre, moins pénétrante et plus extérieure, mais colorée, joyeuse et vive ! Tout autre est la familiarité de l’homme encore jeune, enveloppé dans un manteau à pèlerine, son chapeau melon à la main, qui est assis dans la toile de M. Dawant. Homme de lettres ou artiste, le visage est maigre, volontaire, pensif, les lèvres sont minces et serrées, les mains mobiles et fines. Sauf quelques restes de sécheresse dans l’exécution, l’œuvre est grave, expressive, menée à point, et supérieure, nous semble-t-il, aux portraits précédens de M. Dawant.

D’autres figures viriles, dans les mêmes dimensions, avoisinent ces excellens portraits et leur peuvent être comparées pour certaines qualités d’exactitude et d’habile exécution. Tels sont ceux de M. Carnot, Président de la République, par M. Chartran, de M. Jules Simon, par M. Schommer, de M. Georges Clerc, par M. Axilette, de M. H. R… par M. Albert Lambert. L’un des plus remarquables est dû à un peintre anglais, M. Orchardson, si connu par ses jolis tableaux anecdotiques dont il nous offre encore un spécimen, Énigme, dialogue-bouderie entre une belle et un beau, en costumes XVIIIe siècle, dans un salon approprié. La peinture de M. Richardson, spirituelle et fine, est, en général, jaunâtre et mince. Les tons jaunâtres dominent encore dans son Portrait de Sir Walther Gilbey, baronet, mais seulement pour y accentuer la personnalité d’un dessinateur excellent et d’un physionomiste supérieur. On ne saurait imaginer rien de plus anglais que ce personnage robuste et maigre, le monocle à l’œil, en vêtement de cheval, assis dans son cabinet, lisant un journal du turf. C’est d’une distinction achevée et d’un caractère extraordinaire. Aux Champs-Elysées, comme au Champ de Mars, un certain nombre de portraits collectifs montrent l’agréable parti qu’on peut tirer du groupement de plusieurs figures dans un milieu plus vaste et plus coloré. Aux Champs-Elysées le plus grand succès a été, avec raison, pour l’Épreuve à l’eau-forte, de M. Galliac où l’on voit, dans un intérieur d’atelier, un jeune graveur assis, de face, présenter à un de ses amis debout, qui s’appuie contre son fauteuil,