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confusion et sans monotonie, une soixantaine de figures en pied, appartenant aux âges divers de l’histoire, en des costumes si différens, depuis les fondateurs légendaires de Lyon, les chefs rhodiens, Avepomarus et Momorus, antérieurs de deux siècles à Jésus-Christ, jusqu’à ses enfans illustres d’hier et d’aujourd’hui. M. Édouard Fournier s’est tiré de cette première difficulté avec la conscience et l’habileté d’un compositeur attentif et d’un artiste lettré. Les personnages les plus anciens, Grecs, Romains, évêques, martyrs, papes du moyen âge, sont assis, à un plan supérieur, sur un exèdre de marbre blanc ; au-dessous d’eux, se présentent, d’un côté, les hommes et femmes de la Renaissance, Jehan Perréal, le maréchal de Saint-André, Philibert de l’Orme, Louise Labé, Maurice Scève, etc. ; de l’autre, ceux du XVIIe et du XVIIIe siècle, Les Coustou, Coysevox, les Audran, Mlle de Lespinasse, Perrache, Bernard de Jussieu, Roland ; enfin, comme nous venons de le dire, sur le premier plan, les contemporains, Jacquart, Ballanche, Camille Jordan, Mme Récamier, J.-B. Say, Ampère, Jules Favre, Pierre Dupont, Victor de Laprade, Joséphin Soulary, Ozanam, Claude-Bernard, Hippolyte et Paul Flandrin, Meissonier, Puvis de Chavannes, Chenavard. La collection de figures à restituer ou à représenter était, on le voit, aussi intéressante que nombreuse, et les documens authentiques ne manquaient pas pour la plupart des morts. Il est facile de voir que M. Fournier s’est empressé d’étudier avec le plus grand soin tous ces documens ; un louable souci d’exactitude se marque non seulement dans les attitudes et les gestes qu’il donne à ses personnages, en les rapprochant suivant les époques, pour les faire causer entre eux, mais encore dans les modifications qu’il apporte à ses procédés suivant que le souvenir de telle ou telle œuvre originale le dirige et le hante. C’est donc à la fois une œuvre de sérieux labeur et d’un durable intérêt, qui tiendra honorablement sa place dans l’emplacement qu’on lui destine, car toutes les figures y sont caractérisées avec justesse et intelligence, sinon avec un grand éclat.

Dans la scène d’incendie, en plein cœur de Paris, où M. Detaille nous montre les Victimes du Devoir, des pompiers blessés rapportés par leurs camarades devant le préfet de la Seine et le préfet de police qui se découvrent respectueusement, c’est aussi l’exactitude du rendu, aussi bien pour les visages connus des hauts fonctionnaires que pour les visages anonymes des pompiers et sergens de ville environnans, qui attire et retient l’attention. Tandis que M. Fournier avait à reconstituer ses figures d’après des documens historiques, M. Détaille devait établir un document contemporain destiné à devenir un document historique. Il l’a fait avec la