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à notre cause. » Le nouveau secrétaire d’État allait avoir beaucoup de peine à se donner pour détruire la trop bonne opinion qu’on avait de lui dans certaines ambassades étrangères.

Richelieu fut désigné pour le poste de secrétaire d’État le 25 novembre. Sa mère était morte, à Richelieu, le 14 novembre, âgée seulement de soixante ans. Aussitôt que le marquis de Richelieu apprit la triste nouvelle, il écrivit de Paris à sa sœur Nicole, qui avait assisté aux derniers momens de Mme de Richelieu, pour faire retarder les obsèques : « Je vous prie, écrivait-il, de mettre le corps de ma pauvre mère dans la chapelle, le plus honorablement que faire se pourra, jusqu’à ce que M. de Luçon puisse venir, afin que nous le puissions porter en terre tous ensemble… M. de Luçon ne pouvant s’en aller que dans quinze jours, je partirai dans huit, afin de donner quelque ordre à nos malheureuses affaires. » Luçon écrivait de son côté à Alphonse de Richelieu une lettre pleine d’une émotion profonde et sincère : « J’ai bien du regret qu’il faille que vous appreniez par cette lettre la perte commune que nous avons faite de notre pauvre mère… En sa mort. Dieu lui a départi autant de grâces, de consolation et de douceurs qu’elle avait reçu, en sa vie, de traverses, d’afflictions et d’amertumes… Pour moi, je prie Dieu qu’à l’avenir ses bons exemples et les vôtres me puissent si utilement toucher que j’en amende ma vie. Rien vous dirai-je que sa mort, jointe aux circonstances d’icelle, m’ont cruellement touché… »

Le corps de la mère attendit près de trois semaines, dans la chapelle de Richelieu, la venue de l’évêque. Mais la carrière de celui-ci se précipitait. Dès le 29 novembre, il avait pris en main la conduite des affaires du dehors. « Outré de douleur », ce sont ses propres expressions, il dut renoncer à son voyage. Dans le tumulte des affaires, sa pensée, du moins, put-elle s’isoler et se reporter vers ce passé déjà si lointain, vers cette province, vers ce château où s’était écoulée son enfance, vers cette modeste église de village, où reposaient les corps des Du Plessis et où sa mère fut déposée, à son tour, le 8 décembre, par les soins du curé de la paroisse de Braye ?


G. HANOTAUX.