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sa vaisselle et montait sa maison. Les Bouthillier, parmi tant d’autres services inappréciables, lui avaient fait connaître Barbin, robin comme eux, leur confrère de Melun, devenu, par la faveur des Concini, un si grand personnage dans l’État. Ce fut Barbin qui, à son tour, le recommanda à la maréchale d’Ancre.

Sur l’origine de ces relations et sur leur nature, les derniers voiles ne sont pas levés. Il est probable qu’on ne les déchirera jamais tous. Un pamphlet contemporain, parlant de la conduite de Léonora, dit qu’elle avait publiquement pour amans « un prêtre onctueux » et deux autres qu’il désigne moins clairement. De Morgues, ennemi juré de Richelieu, mais qui écrivait, en quelque sorte, sous les yeux de la reine mère, dit en 1631 : « Il a en sa jeunesse aimé les voluptés qui lui ont fait faire des choses non seulement indignes de sa profession, mais tout à fait ridicules. On ne les publie point en cet écrit qui ne doit coter que les imperfections et les fautes préjudiciables à l’État. » Nous avons une lettre de l’évêque de Luçon à Léonora dont il est bien permis de remarquer le ton quand on pense qu’elle est adressée à une femme peu séduisante et cela au moment où l’évêque venait de perdre sa mère : « C’est savoir obliger vos serviteurs de les traiter selon leur appétit, comme vous m’avez fait cette fois ; car, désirant sur toutes choses l’honneur de votre souvenir, vous m’en avez gratifié… c’est une faveur d’autant plus grande qu’elle m’est départie par une belle dame, au milieu de mes infortunes lesquelles finiront quand il plaira à Dieu. » Pour ce genre de complimens, le moment est, tout au moins, bien mal choisi. Dans la Relation de la mort du maréchal d’Ancre, attribuée à Dupuy et dont la valeur historique est indéniable, un passage précise encore le genre d’action, en quelque sorte physique, que l’évêque exerçait sur la nerveuse Italienne : « Léonora disoit qu’elle ne vouloit pas qu’on la regardât, disant qu’on lui faisoit peur quand on la regardoit et qu’on la pouvoit ensorceler en la regardant… Sur la fin de sa faveur, elle avoit même banni de sa chambre, pour ce sujet, MM. de Luçon et Feydeau. « L’histoire ne peut aller plus loin. Elle doit constater toutefois que le regard perçant de l’évêque remuait cette femme jusqu’à l’importunité.

Par la femme, Luçon touchait au mari. Sa correspondance avec l’Italien, pendant toute cette période de sa vie, donne l’idée de ce que l’ambition peut faire faire aux hommes fortement doués quand ils mettent leur énergie dans leur avilissement. Ce favori que Richelieu devait juger bientôt si sévèrement reçoit de lui les lettres les plus plates. Ce ne sont que protestations, flatteries, sermens d’éternelle gratitude : « Cette lettre est un titre