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ministres, ils avaient tout intérêt à se rapprocher des princes et à les satisfaire, du moins momentanément, pour donner à la France, fatiguée des dissensions de cour, le spectacle de la paix et de l’union autour du gouvernement de la reine mère.

Dès l’époque du retour de la reine, Luçon avait commencé par lettres cette négociation où il servait d’intermédiaire entre les deux parties : « J’ai communiqué le contenu de vos lettres à la reine et lui ai représenté de nouveau autant qu’il m’a été possible la sincérité de votre affection », écrivait-il au prince. — « Madame la maréchale ne s’oublie pas de solliciter le règlement des affaires restées en suspens, désirant comme elle le fait, avec passion, votre présence à la cour… » — « Je vous dirai. Monseigneur, sans crainte de m’avancer trop, que vous trouverez Leurs Majestés mieux disposées que vous ne sauriez vous l’imaginer, et que vous avouerez que Madame la maréchale vous y a soigneusement et fidèlement servi, comme sans doute elle désire le faire en toute occasion. » Sur ces premières indications, Condé se décida à envoyer à Paris sa mère, la princesse de Condé douairière, et son favori Rochefort, pour tâter le terrain. Cependant les choses traînaient en longueur. Les lettres qu’écrivait le prince étaient contradictoires ; « ce qui fit, nous dit Richelieu lui-même, que, pour démêler ces fusées, la reine me dépêcha vers lui, croyant que j’aurais assez de fidélité et d’adresse pour dissiper les nuages de la méfiance que de mauvais esprits lui donnaient d’elle contre la vérité. » Dans ce rapide voyage, Luçon aborda avec le prince toutes les questions restées pendantes. Il parla au nom de la reine d’abord et donna les assurances nécessaires sur sa bonne foi, son désir sincère de voir le prince revenir à la cour ; il insista sur l’autorité que la présence du premier prince du sang apporterait aux résolutions du conseil. Il parla ensuite au nom de la maréchale d’Ancre, et dit que celle-ci promettait solennellement d’employer ce que son mari et elle pouvaient avoir d’influence sur la reine pour maintenir le prince en ses bonnes grâces ; il exposa les motifs qui avaient décidé le renvoi des vieux ministres. Le prince de Condé, en demandant seulement quelques compensations pécuniaires pour Villeroy, approuva le changement et le choix de Mangot et de Barbin. On régla enfin la question de la présence du prince dans les conseils. Celui-ci s’engagea à garder le secret sur les affaires de l’État ; en échange, on promit de les lui soumettre sans réticence. Toutes les objections de Condé furent écartées ou satisfaites. Il se laissa gagner par ce flux de protestations, de flatteries et de promesses verbales. Sans même consulter ses amis et conseillers habituels, Mayenne et Bouillon, il s’engagea