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pouvait hésiter entre deux procédés : ou se maintenir dans l’esprit de la convention de Loudun, les traiter doucement, les attirer à la cour, tâcher d’obtenir leur adhésion aux transformations qui venaient de se produire ; ou user de rigueur, profiter de leur faiblesse actuelle et de la dispersion de leurs troupes pour en finir une bonne fois avec cette opposition toujours renaissante. Parmi les hommes énergiques qui entouraient la reine, plus d’un s’était déjà prononcé pour ce dernier parti. Cependant les conseils pacifiques l’emportèrent et on résolut d’user, encore une fois, des voies de la douceur. L’évêque de Luçon fut envoyé vers M. le Prince qui était allé au Berry prendre possession de son gouvernement, pour négocier son retour à Paris. Ce fut la première affaire d’État qu’eut à traiter Richelieu.

Quelle que fût sa fidélité aux puissances, et notamment à la reine mère, l’évêque s’était toujours ménagé certaines intelligences du côté de M. le Prince. Au début de l’année 1616, alors que les troupes de celui-ci menaçaient ses domaines et ceux de Mme de Richelieu, il avait écrit au prince sur le ton le plus déférant et lui avait demandé sa protection pour ceux qui « n’ayant que des prières pour armes, n’ont que des armes de paix. » Aussitôt la paix de Loudun signée, Richelieu avait encore écrit au prince pour le féliciter des avantages que lui avait rapportés sa rébellion : « Je ne puis que vous témoigner la part que je prends au contentement qu’il a plu au roi de vous procurer ; je vous prie de croire que nul n’en a été touché plus profondément que moi, l’affection que j’ai à votre service ne me pouvant permettre de céder à qui que ce soit le titre que je me conserverai soigneusement toute ma vie de votre très humble serviteur. » Il entretenait aussi, avec certaines personnes de l’entourage de Condé, des relations destinées probablement à lui concilier l’esprit du prince. Quoiqu’il paraisse avoir été, en ce moment, en rapports moins intimes avec le Père Joseph, peut-être recourait-il parfois à l’intermédiaire de Du Tremblay, frère du capucin et confident de M. le Prince. En tous cas, son ami La Vacherie s’était abouché avec un certain Vidard de Saint-Clair, Poitevin, homme besoigneux et quémandeur que Richelieu tenait en haleine par des promesses de place et d’argent.

On pouvait donc penser que l’évêque de Luçon serait bien accueilli à Bourges quand il viendrait y apporter non seulement les paroles de la reine mère, mais aussi les offres de service des Concini. Luçon, en effet, avait reçu mandat de parler au nom du maréchal d’Ancre et de sa femme. Ceux-ci, guidés probablement par Barbin, pensaient qu’au moment où ils éloignaient les vieux