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était présent à l’entretien et le roi lisait ses paroles dans les yeux de son ami. La reine ne sut pas pousser à fond son attaque. Au point où en étaient les choses, il eût fallu chasser Luynes d’auprès de la personne du roi. Mais après s’être découverte, Marie de Médicis ne sut que se plaindre et verser des larmes. Elle fut trop heureuse de se prêter à une réconciliation feinte et de ressaisir cette autorité que le roi, d’autre part, n’osait pas encore lui retirer.

Vers le milieu de l’année 1616, tous les personnages du drame qui allait se dérouler étaient présens à Paris. La reine mère y était arrivée le 11 mai ; elle avait fait sa rentrée, à la nuit tombante, sans bruit. Le roi et la jeune reine, au contraire, avaient été reçus avec pompe et au milieu d’un grand concours de peuple le 16 mai. Les Concini étaient rentrés dès le mois de mars, et si le maréchal s’était absenté quelques jours pour se rendre vers ses places de Picardie, il devait revenir à Paris, le 6 juin. Luçon avait quitté, en avril, son prieuré de Coussay et s’était installé dans son domicile de la rue des Mauvaises-Paroles. Quant à Luynes, il ne quittait pas le roi.

Avec cette rentrée générale coïncide la disgrâce des vieux ministres, si longtemps suspendue, maintenant arrêtée définitivement. Comme nous l’avons vu, on avait commencé par Sillery. Le 16 mai, jour même de la rentrée du roi à Paris, le président Du Vair avait reçu les sceaux. Huit jours après, ce fut le tour du président Jeannin. On lui laissa sa place dans le conseil et le titre de surintendant ; mais il fut remplacé dans la direction effective des finances par Barbin, qui prit le titre de contrôleur général et qui fut mis à la tête des intendans. Avec Villeroy, ce fut un peu plus difficile ; sentant sa disgrâce approcher, décidé à faire tête et à ne céder que devant un ordre formel, il s’était retiré dans sa maison de Conflans. La reine le fit venir. Il lui représenta « qu’il y avait cinquante-quatre ans qu’il faisait sa charge, qu’il avait encore assez de force et de courage pour la faire aussi bien que jamais, que c’était sa charge, qu’il n’était nullement en humeur de se départir. » Mais la reine lui dit, en son italien : Lo voglio. Il répliqua encore très fermement ; puis il partit. Mangot lui succéda ; Villeroy refusa d’entrer en relations avec lui.

Le ministère ainsi reconstitué était entièrement dévoué à Marie de Médicis et au maréchal d’Ancre. Jamais la reine et son favori n’avaient joui d’une autorité plus absolue. Il ne restait plus qu’une difficulté sérieuse : savoir sur quel pied on traiterait avec le prince de Condé et ses adhérens qui, la paix de Loudun une fois signée, étaient restés à bouder dans leur province. On