le cordonnier, et le maréchal dut se retirer dans une maison voisine. Richelieu fait observer avec raison « qu’un seigneur français, né dans un climat plus bénin, » eût oublié cet incident. Concini, lui, garda au cœur le souvenir de l’affront et le désir de la vengeance. À quelque temps de là, le cordonnier Picard fut attaqué par deux estafiers du maréchal, qui le rouèrent de coups et le laissèrent pour mort sur la place. Les deux hommes furent arrêtés. Le maréchal eût voulu les sauver. Mais le peuple s’émut ; les magistrats tinrent bon, et les coupables furent exécutés en place de Grève, le 2 juillet. Depuis cet événement, entre le favori et le peuple de Paris il y avait hostilité déclarée.
Des symptômes plus graves encore se produisaient en un point plus dangereux. La reine avait cru reconnaître à de vagues indices que le roi son fils n’était plus le même à son égard. Affectueux, il ne l’avait jamais été. Mais il semblait que, de jour en jour, il perdît quelque chose de son respect et de sa déférence. Il grandissait. L’enfant taciturne devenait un adolescent dissimulé et froid.
Pourtant, on avait, avec une application soutenue, écarté de lui tout ce qui pouvait l’inciter à exercer prématurément son métier de roi. Saint-Simon, écho des souvenirs de son père, traduit en quelques lignes, peut-être un peu trop énergiques, l’impression que cette éducation avait laissée à Louis XIII lui-même : « Il fallait à cette régente un fils qui n’eût que le nom de roi et dont la majorité ne troublât point la puissance de ses favoris. Aussi fut-il élevé avec les précautions les plus convenables à remplir leurs vues et conséquemment les plus nuisibles au prince. On le laissa croupir dans l’oisiveté, dans l’inutilité et dans une ignorance si parfaite de tout, qu’il s’est souvent plaint à mon père, dans la suite, en parlant de son éducation, qu’on ne lui avait même pas appris à lire. On eut soin d’écarter toute cour de lui. C’était un crime si connu et si redouté d’approcher seulement de son appartement, qu’il ne s’y voyait que quelques valets bien choisis par ceux de sa mère et qu’on changeait dès l’instant que les inquiétudes de ceux qui gouvernaient la reine en prenaient le plus léger ombrage ».
Comme gouverneur et comme précepteur, le roi avait eu, en quelques années, le maréchal de Souvré, vieux soldat loyal et droit, mais qui paraît avoir été de peu de moyens et d’influence médiocre ; un poète bel esprit, Vauquelin des Yveteaux, renvoyé de bonne heure ; un vieil helléniste qui lui faisait expliquer l’Institution de l’empereur Basile, et un autre savant modeste, M. Fleurance. Tout ce monde avait reçu un seul mot d’ordre : laisser le jeune roi s’abandonner à des divertissemens qui prenaient