l’on fait une enquête sur les raisons de votre séjour. Mais vous en avez une plausible qui doit paraître satisfaisante… On vient de m’écrire qu’il est question de m’établir en la place d’un grand colosse froid comme marbre (peut-être Sillery, peut-être Villeroy). Il faut surveiller cela de très près. » Richelieu fait aussi allusion à des amis qui travaillent pour lui : « l’abbé » (probablement l’abbé de la Cochère), un personnage très influent « qui peut lui donner grande consolation en son attente… S’il m’écrit aussi chaudement qu’il le fit de Bordeaux, je tiendrai véritablement l’affaire assurée, sachant qu’ils la peuvent s’ils veulent… » Il s’agit peut-être de Concini, ou peut-être de Brienne, jeune ministre qui avait été son correspondant à Bordeaux. Il est aussi question d’un autre personnage qu’on appelle assez irrévérencieusement « la Lunette » ou encore « cette barbe », et qui « poursuit le patriarcat du lieu où vous êtes ». Il me paraît difficile de ne pas reconnaître à ces indications Bertrand d’Eschaux, qui dès cette époque postulait le siège archiépiscopal de Tours. Richelieu n’a pas l’air de compter sur l’amitié de ce grand donneur d’eau bénite de cour.
Dès cette époque, les vieux ministres étaient condamnés dans l’esprit de la reine mère, et il n’est pas étonnant que Richelieu, renseigné par ses amis, se donnât tant de mal pour attirer l’attention sur lui. Mais l’heure n’était pas encore venue. Villeroy était utile pour mettre le sceau à la négociation de Loudun. Les princes étaient disposés à en finir ; mais ils discutaient sur deux ou trois points pour vendre plus chèrement leur adhésion finale : c’était la fameuse question de « l’article du Tiers, » qui traînait toujours, depuis la session des États généraux, et à laquelle Condé avait attaché une importance théorique, destinée à couvrir uniquement ses réclamations d’ordre plus positif. On parla beaucoup autour de cette question avant de trouver un terrain d’entente. Enfin le prince, poussé, dit-on, par le Père Joseph, adhéra à un compromis qui donnait satisfaction au nonce du pape. Nous avons dit comment une autre question non moins débattue, celle des places de Picardie, fut arrangée par l’habile désintéressement des Concini. Le prince de Condé était malade, dégoûté ; son armée se débandait ; ses partisans menaçaient de faire leur paix, l’un après l’autre. Bouillon, satisfait de ce qu’il avait obtenu, n’avait cure de la foule des réclamans qu’il avait engagés dans la querelle et qui frappaient à sa porte en désespérés. Condé signa le 3 mai. « Que ceux qui m’aiment fassent comme moi ! » s’écria-t-il. Tous ceux qui l’avaient suivi n’avaient pas les mêmes raisons de conclure. Quoiqu’on eût distribué en dons et gratifications plus de six millions de livres, le nombre et l’exagération des demandes étaient tels qu’il fallut renoncer à satisfaire tout le monde.