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avait été obligée de s’arrêter assez longtemps dans cette ville, en raison d’une légère maladie survenue à la jeune princesse qui allait vers la frontière pour devenir la femme de l’infant. Le roi et la reine prirent même les devans et laissèrent la convalescente à Poitiers. C’est Richelieu qui donne à la reine mère des nouvelles de sa fille, et il le fait dans des termes qui indiquent une certaine familiarité près de la famille royale.

Mais il n’accompagne pas la cour à Bordeaux, et aussitôt qu’elle a quitté Poitiers, il rentre à Coussay ; des correspondans assidus le tiennent au courant très exactement de tout ce qui se passe dans le royaume. Son frère était mestre de camp dans l’armée de Bois-Dauphin. Un de ses amis de Poitiers, M. de la Vacherie, réunissait les nouvelles et les lui transmettait, au besoin « par courrier exprès. » — « Je vois, lui écrit-il, le 15 octobre, par celle dont il vous a plu m’honorer, que vous êtes en la même inquiétude à la campagne sur l’état des affaires présentes que nous sommes ici de quel événement on peut espérer ou craindre. » Puis ce sont des détails sur la marche de Condé, sur les protestans, sur M. de Sully, sur les amis de Richelieu, soit ceux qui se trouvent à la cour, soit ceux qui sont à Poitiers, comme Duvergier de Hauranne, dont le nom se retrouve dans ces lettres. Un autre correspondant donne, de Paris, des nouvelles intéressantes sur les événemens qui se produisent en Angleterre.

Vers le début de novembre, Richelieu est toujours mal satisfait. Il attend avec une visible inquiétude des nouvelles de la cour. Celle-ci est à Bordeaux depuis le 1er novembre. Le 4 novembre, le fidèle La Vacherie lui écrivait encore, répondant à sa pensée : « Vous me mandez que je sais les raisons qui vous empêchent de venir ici, que vous demeurez en votre solitude pour être inutile au public. Je me figure les raisons que vous me dites, et ces mêmes raisons me feraient hésiter davantage (à vous conseiller de venir), vu que les affaires ont changé de face depuis votre départ, si d’autres raisons que vous pouvez avoir, plus particulières ne me faisaient acquiescer à votre solitude… Je dis ceci, monsieur, pour savoir ce que vous valez et non que je veuille, par mon insistance, heurter la solidité de vos résolutions… » Cependant des nouvelles de la Cour sont arrivées directement à Richelieu. Il a obtenu enfin ce qu’il désire : c’est la charge d’aumônier de la jeune reine. La décision a été prise à Bordeaux dans les premiers jours de novembre. Le 6 novembre, l’évêque écrit à la reine ; il lui donne force détails sur tout ce qui se passe autour de lui ; puis sa reconnaissance éclate, rejetée avec une indifférence affectée à la fin d’une lettre d’affaires : « Cependant, je supplierai Votre Majesté de me permettre de lui faire voir en