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roi. C’était un esprit cultivé, mais original, avec des manières et un langage gascons qui prêtaient un peu au ridicule. Il allait être nommé bientôt à l’archevêché de Tours, et ne devait manquer plus tard le chapeau de cardinal que par suite de l’opposition qu’il rencontra chez son ancien ami, Richelieu. Il vécut très vieux et resta jusqu’au bout très amoureux des belles-lettres et des belles personnes. Or, c’est lui, dans les circonstances que nous allons dire, qui ouvrit à l’évêque de Luçon le chemin des grands emplois.

Celui-ci reçut, en effet, à Coussay, dans les premières semaines du mois d’août, une lettre où le bon évêque de Bayonne se perdait d’abord en complimens infinis : « Si ma plume était autant diserte pour vous extoller selon votre mérite que vous êtes bien puissant pour, par une profonde humilité et grande modestie, vous rabattre vous-même jusqu’au centre de la plus grande inanition que l’on peut imaginer, l’odeur de vos rares et singulières qualités serait plus répandue, à tout le moins en notre France… Mais, n’étant pas de ceux que le sort a voulu produire pour éloquens, il faut que je me contente de vous dire, sans cajolerie quelconque, que vous êtes autant aimable qu’estimable… et que tout ce que vous croyez trouver de bon en moi sera toujours employé uniquement à vous témoigner de mon amour et de mon estime… » Puis, il en venait au fait, et le fait était au moins des plus curieux. Il n’était question à la cour que de la prochaine conclusion des mariages espagnols. La reine mère se préparait à partir pour Bordeaux. On prenait les dispositions nécessaires pour l’arrivée prochaine de la jeune reine : on montait sa maison ; on pourvoyait au personnel qui devait l’entourer. Il fallait, tout d’abord, nommer son aumônier. On avait mis en avant le nom, connu de nous, de l’évêque d’Orléans, Gabriel de l’Aubespine, homme instruit, distingué, appartenant à une excellente famille et soutenu probablement par les Villeroy, ses amis et alliés. Les choses avaient été très loin, puisque le brevet avait été préparé et remis entre les mains de la reine mère. C’est ici qu’il faut laisser parler l’évêque de Bayonne, en débarrassant un peu son langage des aspérités béarnaises : « Vous avez pu reconnaître par une précédente lettre que je ne voudrais, en aucun temps, vous suggérer des persuasions au préjudice de vos amitiés et habitudes, de qui je ne serais jamais, si je ne perds le sens, auteur à qui que ce soit de commettre une lâcheté : mais là où sans crime et sans reproche je pourrai veiller pour le bien et avancement de mes amis, je serai loué d’une voix commune. Quand je vous écrivis dernièrement en quel état étaient les affaires de cour pour le regard de M. d’Orléans, notre commun ami, c’était lorsque, contre mon avis, l’on tenait ses affaires (c’est-à-dire sa candidature) pour ruinées et du