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là, elle fournira aux autres races tous les élémens de notre absorption finale dans l’universelle médiocrité.

Telles sont les prévisions pessimistes, et à coup sûr il y a là un sujet de grande inquiétude. Examinons pourtant s’il faut aller jusqu’à la désespérance. L’avenir de la race blanche, par rapport aux races de couleur, est avant tout une question d’acclimatation. Il s’agit, en effet, de savoir si les blancs pourront vivre et se propager dans les pays chauds, ou si les races de couleur pourront seules y prospérer et y faire souche. Or, il y a déjà eu une invasion blanche partie, selon les uns, des massifs du Bolor et de l’Hindoukoh, ou, selon l’opinion la plus probable, du nord-ouest de l’Europe, et qui, en tout cas, a pu arriver d’un côté jusqu’à l’extrémité de la presqu’île du Gange et à Ceylan ; de l’autre, jusqu’en Islande et au Groenland. Les localités chaudes et sèches sont parfaitement accessibles à la civilisation. C’est dans une région chaude et sèche, l’Egypte, que se développa la plus antique civilisation dont l’histoire ait gardé le souvenir ; c’est dans des régions chaudes et sèches que prirent naissance les civilisations babylonienne, assyrienne et phénicienne. M. Spencer a remarqué que, de la région sans pluie qui s’étend à travers le nord de l’Afrique, Arabie, Perse, Thibet et Mongolie, sont parties toutes les races conquérantes de l’ancien monde. Si le type tartare, et peut-être l’égyptien, était inférieur, les types aryen et sémite étaient supérieurs.

Il est des régions funestes aux hommes de toutes les races, comme le vaste estuaire du Gabon. Sans aller aussi loin, on connaît les Maremmes et les marais de la Corse. En France, les étangs de la Dombe et l’embouchure de la Charente, aujourd’hui assainis en partie, n’étaient guère moins dangereux. À latitudes égales, les régions chaudes de l’hémisphère austral sont généralement bien plus accessibles aux races blanches que les régions de l’hémisphère boréal. Boudin a montré que la mortalité moyenne des armées de France et d’Angleterre est environ onze fois plus forte dans notre hémisphère que dans l’hémisphère opposé, et il en a trouvé la cause dans le plus ou moins de fréquence ou de gravité des fièvres paludéennes. Au nord de l’Equateur, ces fièvres remontent en Europe jusqu’au 59e degré de latitude. Au sud, elles ne dépassent qu’assez rarement le tropique et s’arrêtent souvent en deçà. Taïti, qui n’est qu’à 18 degrés de l’équateur géographique et presque sous l’équateur thermal, en est exempte. Il est possible d’assainir peu à peu les pays fiévreux et, par là, d’y rendre l’acclimatation moins difficile. D’autre part, les progrès de la médecine microbienne réservent certainement des surprises, des découvertes inattendues. Il suffira d’une connaissance exacte des germes