cinq cents millions d’hommes qui se trouvent parfaits comme ils sont, c’est une tâche difficile. Il est hasardeux de s’attendre à ce que les Chinois révèlent désormais une originalité, une élévation intellectuelle, un sens de l’idéal qu’ils n’eurent jamais dans le cours de leur interminable histoire. Ce sera déjà un beau résultat pour eux que de s’élever à ce niveau uniforme et trivial qui, pour les peuples héritiers du renom européen, serait une annihilation pratique. Plusieurs races humaines, a dit ingénieusement M. Zaborowski, sont aujourd’hui dans la situation de ces vieillards qui ont assez d’esprit pour voir combien tout change et s’améliore autour d’eux, mais qui ont passé l’âge où l’on peut soi-même acquérir et changer.
La disparition ou la diminution des élémens supérieurs de l’humanité est donc à craindre. Supposez que, dans l’Inde ancienne, on n’eût pas établi le régime des castes, si sage pour l’époque ; où serait aujourd’hui la poignée de blancs qui avait soumis les noirs établis sur le sol, — ces noirs que les légendes hindoues symbolisent sous le nom de singes et contre lesquels les Aryas soutinrent leurs luttes gigantesques ? On aurait bientôt vu se diluer les quelques gouttes de sang blanc dans l’océan noir ; la substance cérébrale des Aryas, si précieuse pour l’avenir du globe, aurait perdu toute sa valeur en devenant une quantité négligeable au sein d’une masse inerte et routinière. La future situation des blancs par rapport aux jaunes et aux noirs peut devenir plus ou moins analogue. Il y a eu des temps, avant nous, où la civilisation fut menacée, malgré sa confiance arrogante en sa propre force. L’empire d’Occident fut conquis et brisé ; l’empire d’Orient fut réduit en servitude ; les Tartares occupèrent pour des siècles les trois quarts de la Russie ; les Turcs envahirent la moitié de la Hongrie et assiégèrent Vienne au XVIIe siècle. Aujourd’hui, plus de la moitié de la terre n’a qu’une civilisation nulle ou incomplète ; n’est-ce pas un danger pour l’autre moitié, alors même que ce danger ne prendrait pas la forme d’une conquête militaire ? Supposez seulement nos classes industrielles réduites à ce niveau de corvée journalière, accomplie sans plainte, qui est le secret du succès chinois ; supposez nos classes aisées admettant le millionnaire chinois à partager leur vie et à épouser leurs filles ; nos écrivains s’efforçant de plaire à la masse des lecteurs chinois ; est-ce que « ces petits changemens n’impliqueront pas déjà par eux-mêmes une graduelle détérioration de la vie nationale ? » M. Pearson croit que le rôle historique de l’Angleterre est de préparer la belle mort de la race blanche, son « euthanasie », en organisant, créant et transportant sur le monde entier, comme elle le fait, paix, lois et ordre. Par