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conque dans une affaire qui ne regardait, disaient-ils, que la Grande-Bretagne. Des déclarations analogues avaient été faites à la Chambre des communes. La première attitude de l’Angleterre à notre égard n’avait donc rien d’encourageant ; elle était même inutilement désobligeante et rogue : que sera la dernière ? Cela dépendra de l’habileté de nos négociateurs, et aussi des dispositions que montreront les autres puissances. Malheureusement, nous n’avons à ce dernier point de vue que des données confuses. Sir Charles Dilke a demandé au gouvernement de la Reine si la Porte avait fait entendre quelque réclamation : il lui a été répondu que non. Pourtant, les territoires qui ont été cédés à bail par l’Angleterre à l’État du Congo font incontestablement partie de l’Egypte, et participent aux garanties que l’Europe a assurées à l’intégrité de l’empire ottoman. Mais ce n’est pas seulement l’attitude de la Porte qui nous intéresse. L’Allemagne, comme nous-mêmes, n’a pas vu d’un œil rassuré l’arrangement anglo-congolais. Si elle n’a pas demandé d’explications à Londres, elle en a demandé à Bruxelles. Le sous-secrétaire d’État anglais des Affaires étrangères a affirmé à la Chambre des communes que ces explications ne portaient que sur des points de détail, qu’on les avait données et qu’elles avaient été jugées satisfaisantes. Quant au reste de l’Europe, elle n’a aucun intérêt direct engagé dans la question, et ce serait une illusion un peu naïve de la croire disposée à s’en mêler : elle nous laissera nous tirer d’affaire à nous tout seuls. Nous y parviendrons à force de sang-froid, de modération et de fermeté. Certains journaux étrangers profitent de quelques vivacités échappées aux nôtres pour nous présenter au monde sous un jour inquiétant. La presse allemande se signale, en particulier, dans cette campagne, et, tout en nous provoquant à rendre notre conflit plus aigu avec l’Angleterre, elle ne manque pas de dire : — Les voilà bien, ces Français ! Ils sont aujourd’hui ce qu’ils étaient il y a vingt-cinq ans. La moindre déception les met en campagne. Ils se plaignent tout de suite qu’on ait porté atteinte à leurs droits les plus sacrés. Et où sont leurs droits dans le cas actuel ? Que l’Europe se tienne pour avertie, par l’exaltation qu’ils montrent au sujet de l’Oubangui et du Bar-el-Ghazal, de ce qu’ils feraient pour un motif un peu plus important ! — Tel est, en résumé, le langage qu’on tient sur notre compte, et qu’il est bon de reproduire parce qu’il nous donne un avertissement. C’est toujours chose utile de savoir ce qu’on dit de nous au-delà des frontières. Mais nous ne mériterons pas les reproches qu’on nous adresse vraiment trop vite. Les déclarations de M. le ministre des Affaires étrangères ont ramené le calme dans les esprits, en même temps que la’ confiance. Il ne nous reste plus qu’à en attendre les résultats.

Depuis trois semaines, il souffle sur plusieurs points de l’Europe un vent peu favorable à la stabilité ministérielle. Si nous en avons subi