jugaient trop modérés, et d’adresser une invite au radicalisme. M. Isambert est un de ceux qui ont le plus activement collaboré à ce mouvement de conversion à gauche : le groupe progressiste l’a nommé son président, et ce n’était que justice, car il en représente à tous les points de vue l’esprit très ancien. Le groupe l’a chargé en outre de déposer en son nom un ordre du jour. Entre cet ordre du jour de gauche et celui du centre, M. Charles Dupuy avait à choisir : il n’a pas hésité. La confiance de M. Georges Berger ne lui a pas paru suffisante ; il a préféré celle de M. Isambert, avec les commentaires impératifs qui l’accompagnaient. L’ordre du jour des progressistes a été voté à une majorité considérable, mais non sans jeter sur tous les bancs de la Chambre un grand désarroi. Il y a eu des abstentions significatives, et l’on peut se demander si M. le Président du Conseil, en rompant de propos délibéré avec les élémens les plus fermes et les plus dévoués du parti gouvernemental, les aura remplacés par d’autres plus solides et plus fidèles. La suite le montrera.
En attendant, ce n’est pas sans tristesse que l’on voit se produire, à quelques mois d’intervalle, ces hésitations et ces contradictions dans notre politique générale. Personne n’y gagne, ni le gouvernement, ni la Chambre, ni surtout le pays, qui se prend à douter de lui-même, en voyant ce qu’il y a de hasard et d’incohérence dans la conduite de ses représentans. Comme l’avait dit très justement M. Dupuy au mois de novembre, la dernière consultation électorale a donné des indications très claires et très nettes : aussi avait-il mis lui-même quelque emportement à s’engager dans les voies nouvelles où M. Casimir-Perier a marché après lui avec plus de prudence et de ménagemens, mais non pas avec moins de fermeté. Et puis, subitement, tout est changé ! Il a suffi d’un vote sans importance, sur une question secondaire et mal comprise, pour amener le départ de M. Casimir-Perier. Quelques esprits, nous parlons des plus avisés, conseillaient alors de faire une bonne fois l’expérience d’un ministère radical ou semi-radical. Passons-en par là, puisqu’il le faut : on verra bien l’impuissance et la stérilité d’une telle combinaison ! Le conseil pouvait tenter. Cependant les républicains de gouvernement n’ont pas voulu le suivre, et leur attitude a rendu impossible la constitution d’un cabinet Bourgeois, Peytral ou Brisson. Alors on a fait appeler M. Dupuy, et M. Dupuy a formé un ministère modéré, avec l’intention de faire de la politique radicale et de s’appuyer sur les élémens avancés de la Chambre. Qu’il y ait là une équivoque, rien n’est plus évident. Les modérés ne sont pas satisfaits ; les radicaux ne le seront pas longtemps. Si on songe aux difficultés de toute nature que le ministère doit inévitablement rencontrer, peut-être n’a-t-il pas pris le meilleur moyen de les surmonter. Heureusement, les vacances sont proches.
Le ministère a eu à soutenir déjà, soit à la Chambre, soit au Sénat,