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REVUE LITTERAIRE

L'ENSEIGNEMENT DU LATIN ET LA LITTERATURE FRANCAISE

La question des études grecques et latines et de la part qu’il convient de leur faire dans l’enseignement, est l’une de celles qui en ces derniers temps ont le plus divisé les esprits et qui les passionnent le plus justement. C’est qu’en effet, et personne ne s’y trompe, elle n’intéresse pas seulement la discipline intérieure des collèges, mais elle est grosse de conséquences, et la réponse qu’on y apporte diffère suivant l’idée qu’on se fait du rôle de l’éducation, idée qui dépend elle-même de la façon dont on conçoit l’avenir de notre société. Cela fait la difficulté du problème que trop d’élémens, et de nature trop complexe, y sont engagés. Or voici que la question nous revient sous une forme quelque peu nouvelle et qui en tout cas a l’avantage d’être bien circonscrite et précise. Le Conseil supérieur de l’instruction publique, au cours de sa prochaine session, examinera un projet de réforme de la licence ès lettres, et il décidera si la dissertation latine doit être maintenue comme exercice obligatoire. À ce propos, le directeur du Journal des Débats a imaginé de provoquer de la part des membres de l’Académie française une sorte de plébiscite. Il les invite à faire connaître au public comment à leur avis on apprend à écrire en français, et à citer à l’appui de leur opinion leur propre exemple. D’ailleurs il ne doute pas qu’ils n’aient tous les quarante réfléchi sur le sujet, et que chacun d’eux ne soit un maître de la langue… Est-il vrai que, pour apprendre le latin, il faille s’exercer à disserter ou à discourir en latin ? Est-il vrai d’autre part que, pour bien écrire en français, il soit nécessaire de savoir le latin ? Tels sont en substance les deux points sur lesquels porte la consultation. M. Jules Lemaître a déjà repris la question à son compte, et, nettement partisan du maintien des études classiques, il a donné à l’appui de son opinion des argumens très forts. Nous voudrions rechercher à notre tour en quoi le maintien ou la suppression de ces études, et plus spécialement de l’étude du latin, intéresse l’avenir de notre littérature.