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relations commerciales de peuple à peuple et d’individus à individus, et dont l’unique fruit serait l’avantage de quelques-uns et la ruine du grand nombre. « Sans doute, poursuit l’orateur, l’administrateur actuel des impôts indirects a aujourd’hui votre confiance ; il la mérite par son caractère moral, par son caractère politique et par ses lumières ; mais qui peut assurer que cet administrateur ne sera pas remplacé par un autre qui pourra ne point vous offrir par son caractère personnel la même garantie ? Et cependant vous avez d’avance répondu à la nation, de la justice et de la nécessité des mesures qui seront alors exécutées. Les représentans d’une nation ne doivent jamais subordonner ses premiers intérêts à l’esprit momentané d’un administrateur, aux hasards du caractère personnel des administrateurs.

« On vous a parlé de la responsabilité des Ministres ; mais cette responsabilité ne peut porter que sur l’exécution des lois faites par vous, sur la perception des impôts établis par vous, et dont la quotité et la forme ont été réglées par vous ; la responsabilité légale, en un mot, se rapporte à l’exécution et non à la législation. La disposition que j’attaque donnerait aux Ministres une participation préalable à la législation.

« Quant à cette responsabilité, elle est dans la Charte, elle n’est pas encore complètement dans nos lois ; elle n’est pas encore dans nos habitudes. Croyez que, même lorsque la loi d’organisation de cette responsabilité sera faite, lorsque son esprit, secondé par l’opinion publique, réglera la marche habituelle des affaires, croyez enfin que dans le cours ordinaire des choses, la responsabilité des agens supérieurs du pouvoir exécutif sera ici ce qu’elle est dans tous les gouvernemens libres, c’est-à-dire qu’elle sera toujours plus assurée par les précautions qui préviennent leurs erreurs, que par les lois qui les punissent. »

Ce discours est vieux de quatre-vingts ans. Ce sera le discours de demain. Tant il est vrai que le propre de certaines tendances est d’aller à l’encontre du progrès et de ramener toujours les peuples aux mêmes obstacles, car nous nous trouvons aux prises maintenant avec les mêmes difficultés qu’au début du siècle ; à deux différences près, toutefois.

L’article 34 de la loi de 1814 fut voté bien moins pour permettre à notre législation de suivre les changemens de celle des autres peuples, comme le prétendait M. Chantereyne, que dans un dessein politique, afin de donner à un roi « adoré » un témoignage de loyalisme et de fidélité dont il avait certes besoin, car on était à la veille des Cent-Jours.

Loin de songer à prendre une mesure contre la « spéculation », on n’a prononcé ce mot que pour reprocher à l’Empereur de