Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 123.djvu/924

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La loi des 17-19 décembre de cette année, loi générale relative aux douanes, dispose que des ordonnances du roi pourront, provisoirement et en cas d’urgence, prohiber l’entrée des marchandises étrangères en augmentant, à leur importation, les droits de douanes ; diminuer les droits sur les matières premières nécessaires aux manufactures ; permettre ou suspendre l’exportation des produits du sol et de l’industrie nationale et déterminer les droits auxquels ils seront assujettis. Toutefois, les mesures ainsi ordonnées devaient être présentées en forme de projet de loi aux deux Chambres, avant la fin de leur session si elles étaient assemblées, ou à la session prochaine si elles n’étaient pas réunies. Tel est cet article 34 que l’on invoque comme précédent. Il n’est que trop certain que l’article 34 de la loi des 17-19 décembre 1814 a existé, et il est même probable qu’il existe encore, car nous ne connaissons aucun texte qui fait abrogé. Mais il n’est pas moins incontestable que cette faculté ouverte au Gouvernement est passée à l’état de lettre morte, puisqu’un nouveau vote du Parlement est considéré comme nécessaire pour rajeunir le principe au double point de vue de la forme et du fond.

Nous avons eu du reste la curiosité de nous reporter aux travaux préparatoires de cette loi et nous avons pu constater que son titre V n’avait d’autre portée que de maintenir au roi des droits que Bonaparte s’était attribués. Dans sa lutte économique à outrance contre sa vieille ennemie l’Angleterre, Napoléon avait besoin de tenir bien en main les armes dont il voulait user pour l’exterminer. Il devait être maître absolu d’utiliser à son gré prohibitions et relèvemens de tarif. On sait qu’il ne s’en fit pas faute. Il s’agissait donc en quelque sorte de perpétuer une « clause de style » ; c’est bien le sentiment qui ressort de la lecture de l’exposé des motifs dû au baron Louis. Le ministre des Finances d’alors se serait empressé de produire de bons argumens et de les faire valoir, s’il en avait pu trouver. Ce n’était ni le talent, ni même le génie qui lui manquaient. En réalité il paraît plutôt inquiet de préconiser une telle mesure et ne le fait pas sans réserve :

« Cette disposition se justifie d’elle-même, disait-il. Personne n’ignore que les combinaisons du tarif, bien qu’il importe de leur donner toute la fixité dont elles sont susceptibles, sont cependant variables de leur nature, qu’elles sont régies par des intérêts soit intérieurs, soit extérieurs ; que ces intérêts sont souvent très urgens, et qu’il y aurait alors les plus graves inconvéniens à attendre, pour s’y conformer, que les Chambres fussent assemblées.

« La même faculté avait été réservée par la loi du 29 floréal