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il faut bien le dire, les Allemands n’avaient pas montré assez de souplesse dans leurs rapports avec les indigènes. Venus pour la plupart de la côte orientale, les gouverneurs et les explorateurs avaient employé à l’égard des peuplades du Cameroun les mêmes procédés violens, la même force brutale dont ils s’étaient servis dans l’est africain à l’égard des Arabes trafiquans d’ivoire et chasseurs d’esclaves. Une telle manière d’agir avait fait le vide devant eux, avait paralysé leurs laborieux efforts et fait aboutir leurs tentatives à des insuccès relatifs.


IV

Tandis que les Allemands s’épuisaient en vains efforts pour gagner le bassin du Chari et les États musulmans de l’Afrique centrale, les Français établis au nord du Congo cherchaient, eux aussi, à s’avancer dans la même direction. On sait que la convention franco-allemande de 1885 avait assigné comme frontière nord au Congo français la rivière Campo et le parallèle qui prolonge dans l’intérieur le cours de cette rivière. D’autre part, deux conventions conclues, la première en 1885, la seconde en 1887, entre la France et l’État indépendant du Congo, avaient donné comme frontière limitrophe à leurs possessions respectives la chaîne de partage des eaux du Niari-Quillou et du Congo, puis le cours du Congo jusqu’à son confluent avec l’Oubangui, et enfin le cours de l’Oubangui lui-même. Après la conclusion de ces traités, la surface du Congo avait la forme d’un triangle fermé d’un côté par la mer, de l’autre par le fleuve Congo et l’Oubangui et en haut par le Cameroun. Au nord, à l’est et à l’ouest, notre nouvelle colonie se trouvait donc enserrée dans des limites soit conventionnelles, soit naturelles, parfaitement définies. Il n’y eût plus eu pour elle d’extension possible si une solution de continuité ne se fût trouvée par bonheur dans la ligne frontière. La limite nord du Cameroun n’avait pas été indiquée au-delà du 12° 40’ de longitude est. Entre ce méridien et la rive droite de l’Oubangui, qui formait la fronture du Congo français, était un espace qui avait été laissé en dehors de tout tracé. La frontière du Cameroun n’atteignait pas ainsi la frontière formée par l’Oubangui ; le triangle n’était pas fermé à son sommet. Un couloir s’ouvrait devant nous par lequel nous pouvions nous introduire plus avant dans l’intérieur de l’Afrique. Explorer et reconnaître ce couloir, s’en assurer la possession soit par des traités de protectorat, soit par une occupation effective, aurait dû être la première préoccupation de ceux qui n’entendaient pas faire du Congo une simple enclave littorale. Pourtant,