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indigènes (novembre 1891). Son successeur fut Ramsay, qui arriva précédé d’une grande réputation d’habileté, acquise à la côte orientale d’Afrique. Dans le dessein de faire échec aux tentatives des explorateurs français qui prenaient de l’avance sur les affluens septentrionaux du Congo et menaçaient d’atteindre le Baghirmi et le lac Tchad, Ramsay se mit en marche à la tête d’une expédition de 300 hommes, longea la Sannaga, parvint à la station de Jaunde, qu’il ne put d’ailleurs dépasser, et eut le chagrin de voir son entreprise complètement échouer. Une nouvelle mission du docteur Zintgraff ne devait pas être plus heureuse. Ayant suivi la même route qu’il avait ouverte en 1888, Zintgraff était parvenu à Bali et de là comptait gagner I’Adamaoua et le lac Tchad ; mais il dut s’immobiliser sur place, attendant vainement les munitions et les approvisionnemens que devait lui envoyer Ramsay. Après s’être morfondu 18 mois à Bali, et avoir passé tout ce temps en récriminations stériles, Zintgraff dut abandonner la partie. Ecœuré des procédés de Ramsay à son égard, il faisait savoir à l’Office colonial qu’il quittait définitivement le service de l’Empire. De son côté, rebuté par son échec, Ramsay quittait le gouvernement de la colonie du Cameroun.

Au commencement de 1893, la situation était la suivante : les Allemands avaient exploré à peu près toute la région côtière ; les bassins du Vieux-Calabar, du Njong, de la Sannaga, avaient été reconnus par eux en grande partie. Ils avaient visité I’Adamaoua méridional et avaient atteint la Bénoué. À trois cents kilomètres de la côte, ils avaient fondé les stations de Jaunde, de Balinga et de Balibourg. Mais là s’étaient bornés les résultats de leurs efforts. Les espérances qu’ils avaient conçues au début avaient été loin de se réaliser. Non seulement ils n’avaient pu pénétrer au Baghirmi, au lac Tchad et au Chari, mais encore ils n’avaient atteint sur aucun point le méridien 12° 40’, qu’ils considéraient comme la frontière orientale provisoire de leur colonie. Ni le Vieux-Calabar, ni la Sannaga, ni le Njong, dont le cours avait été reconnu par eux, n’avaient pu servir de route conduisant fort avant dans l’intérieur. L’organisation politique du pays ne s’était guère prêtée non plus au succès de leurs tentatives. Immédiatement en arrière de la zone littorale, la population indigène se trouvait morcelée en une foule de petites tribus indépendantes vivant en luttes perpétuelles ou bien formées d’agglomérations de nègres haoussas dépendant du sultan d’Yola auquel il fallait demander l’autorisation de traverser leur territoire. Peuplades indépendantes ou nègres haoussas constituaient ainsi une puissante barrière entre le littoral et les États musulmans plus civilisés de l’Afrique centrale. Enfin,