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construire ou du moins à élever des murs pour soutenir les terres, « afin de mettre ladite rue à hauteur compétente. » En effet elle était beaucoup plus haute du côté du rempart (le boulevard Montmartre d’à présent) que du côté de Paris. La différence de niveau était telle que cette rue (non pavée encore en 1640) était impraticable, et les rares maisons, bâties du côté de la porte Richelieu, inaccessibles. Et l’on ne parvenait pas, malgré des injonctions réitérées, à faire utiliser les terrains par leurs propriétaires.

Au moment de la Révolution une maison de la rue Richelieu valait couramment 90 000 francs ; il en est de 180 000 francs rue du Mail et boulevard Poissonnière, de 390 000 francs au coin de la rue du Temple et du boulevard du même nom, de 140 000 francs faubourg Saint-Honoré n° 6, et rue d’Anjou au coin de la rue de la Ville-l’Evêque. Elles atteignent 80 000 francs rues de la Chaussée-d’Antin, de Gaillon, Saint-Thomas-du-Louvre. Certes, on peut encore se procurer des bâtimens plus modestes, pour 30000, 20000, 10 000 francs même, dans les quartiers commerçans, comme le faubourg Saint-Martin, les rues Montmartre ou Saint-Antoine.

Mais, tandis que, trente ans auparavant, des chiffres aussi infimes que ces derniers n’étonnaient personne, tandis qu’ils étaient la règle en 1760, ils sont devenus l’exception en 1790. Le nombre des voies nouvelles, des quartiers bâtis sous Louis XV, principalement dans le voisinage des boulevards, est considérable ; et ce sont les maisons de ces quartiers-là qui se vendent le plus cher, comme celles du Marais sous Henri IV, celles du faubourg Saint-Germain sous Louis XIV, comme celles des Champs-Elysées actuels.

Lorsqu’on vendait, en 1780, pour 22 000 francs une maison rue de l’Arbre-Sec, on était loin du temps où le roi Louis XIII rendait une ordonnance pour défendre aux bouchers de la cour d’établir leurs échoppes dans cette rue (1630), mû, disait-il, par la considération que « cet embarras, outre qu’il ôte l’embellissement d’une des plus grandes rues de notre ville, nous incommode en notre particulier, tous les princes, seigneurs, ambassadeurs, devant passer par ladite rue pour nous venir trouver dans le Louvre, dont elle est la principale avenue. »

La moyenne des loyers parisiens avait été de 600 francs au commencement du XVIIe siècle ; en cinquante ans elle tripla et quadrupla presque : 1 800 francs en 1626-1650, 2200 francs en 1651-1675. Elle était retombée sous la Régence du duc d’Orléans à I 140 francs, et avait remonté à 3 700 francs lors de la réunion de l’Assemblée constituante. Un avocat payait, en 1601, 3100 francs par an, rue