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L’auteur d’une Chasse au vieil grognard de l’antiquité, un bon esprit de 1622, qui plaint le temps passé et vante le présent, — contrairement à l’éternelle manie des sots de toutes les époques qui font machinalement l’éloge du « bon vieux temps », — écrivait au début du ministère de Richelieu : « Des ignorans disent que les hommes du temps jadis étaient aussi riches, avec leur peu, comme nous avec notre abondance. Je le nie, car leur contentement, qui était borné par force, était du reste mesquin. Il y a deux cents ans, nos maisons des champs, même des meilleurs bourgeois des villes, n’étaient que des cabanes couvertes de chaume ; leurs compartimens de jardin, des carrés de choux ; leurs plus belles vues, une ou deux fosses à fumier. Pas de meubles, presque pas de vaisselle, quelques pots de grès, un bassin de cuivre ; le maître, pair et compagnon avec le paysan de la maison. »

« Aujourd’hui, conclut le contemporain de Louis XIII, la campagne est enrichie de superbes édifices, maisons bourgeoises en quantité, bâties d’une structure admirable, couvertes d’ardoises, garnies de fontaines et de magnifiques vergers… » Le panégyriste abuse à coup sûr des couleurs riantes, il flatte ce tableau ; son imagination lui fait décrire comme appartenant à l’ensemble des villas du royaume ce qui n’était encore l’apanage que des environs de Paris ou d’autres grandes cités. Autour de Marseille, en 1630, le Parisien Bouchard comptait plus de 800 de ces maisons de plaisance, — bastides ou « métairies », — « chaque bourgeois, dit-il, en possédant deux ou trois. »

Ce qui était l’exception dans le « plat pays » tendait à devenir normal dans les agglomérations urbaines, petites ou grandes. Non que l’adversaire du laudator temporis acti de 1622 n’exagère encore la louange du présent, quand il dit que « maintenant les bâtimens des villes sont autant de châteaux, superbes meubles, tapisserie et vaisselle d’argent ; autrefois vrais nids à rats, petite porte, bas planchers., petites fenêtres, chambres et antichambres étranglées ; le privé près de la salle, et dehors une petite étable à loger le mulet et un grand auvent à loger les poules. » Des maisons de ce genre, il en restait encore un bon nombre dans le premier quart du XVIIe siècle. Le mouvement de reconstruction, de renouvellement et de décrassement qui avait pris naissance avec Louis XII et François Ier, fut, sur beaucoup de points, paralysé ou interrompu par les guerres de religion. A Nîmes, presque rebâti à neuf au XVIe siècle, il n’y a trace de luxe que dans les maisons élevées avant ces guerres ; les autres ont des devis d’une extrême simplicité.