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trois noms : Liszt, Müller et Brendel, dans les premières luttes qui se livrèrent pour Wagner et ses œuvres. J’en citerai encore quelques autres de la même période qui sont aussi à retenir. Peut-être objectera-t-on que quelques-uns de ces hommes, qu’il me reste ainsi à nommer, se sont acquis une notoriété plus grande que ne l’ont fait Brendel et Millier lui-même ; mais comme leurs œuvres n’ont pas joué un rôle aussi important que celles de ces deux écrivains, c’était donc bien ceux-ci qu’il fallait placer après Liszt au premier rang.

Théodore Uhlig est aujourd’hui très connu par les lettres que lui écrivit Wagner, et qui furent publiées en volume il y a quelques années. On sait qu’il mourut en 1853. Sa carrière de « littérateur wagnérien » n’a donc pu être que très courte, mais elle n’en a pas moins été très intéressante. De 1850 à 1852 il publia dans la revue de Brendel toute une série d’articles sur les écrits de Wagner, à mesure que ceux-ci paraissaient. Il traita aussi d’autres sujets, en prenant comme base esthétique les idées de Wagner. En ce sens il fut en quelque sorte le précurseur des Bayreuthiens d’aujourd’hui. C’était un esprit délicat, et doué d’une sorte d’instinct divinateur qui le faisait pénétrer sans peine dans la pensée et les intentions du maître. Et si la mort ne lui a pas permis de donner tout ce qu’on était en droit d’espérer de lui, au moins l’affection rare que lui avait vouée Wagner méritait-elle qu’on n’omît pas son nom parmi ceux des disciples de la première heure.

Parmi ces disciples de la première heure, il faut nommer encore M. Richard Pohl, qui est maintenant devenu le vétéran de la littérature wagnérienne, car il n’a pas cessé d’écrire et de défendre le wagnérisme depuis plus de quarante ans. Comme Liszt et comme Müller, il débuta dans la littérature wagnérienne par un article sur Tannhæuser, paru en 1852. C’est le premier vrai journaliste dans le camp wagnérien. Et il a toutes les qualités du vrai journaliste : l’esprit alerte, la conception prompte, l’allure vive, le style limpide, et, au besoin, l’attaque allègre, et la riposte narquoise et piquante. Voilà quarante ans qu’il écrit, dans tous les journaux, et sa verve reste aussi grande qu’au premier jour. Un choix de ses meilleurs articles a paru en volume, et c’est là un livre très agréable à lire. Il a fait aussi une biographie de Wagner qui est très instructive, très vraie, et qui peut presque se lire comme un petit roman.

Comme il faut savoir se restreindre, je ne citerai plus maintenant pour cette première période que quelques noms de musiciens qui ont combattu pour Wagner non seulement comme