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les livres qu’il publia de 1861 à 1869 : l’Anneau du Niebelung ; Tristan et Yseult, les Maîtres-chanteurs de Nuremberg. Il avait donné en 1801 son œuvre capitale : Richard Wagner et le Drame musical.

L’influence de Liszt ne cessait de gagner des partisans à Wagner. Parmi eux, Franz Brendel fut peut-être le plus actif et le plus remuant. Il n’avait ni le génie de Liszt, ni les qualités solides de Franz Müller ; mais, justement peut-être à cause de cela, était-il plus apte à répandre parmi la foule le goût des idées et des œuvres de Wagner. Professeur d’histoire musicale au conservatoire de Leipzig, conférencier populaire très goûté, rédacteur en chef de la Nouvelle Revue musicale (Die neue Zeitschrift für Musik) fondée par Schumann, il mit au service du wagnérisme le crédit que lui donnaient ces diverses situations. En 1854, il fit paraître son livre : La Musique d’aujourd’hui et l’art total de l’avenir. En 1855, dans la seconde édition de son Histoire de la musique, — ouvrage qui a eu depuis de nombreuses rééditions et qui est un des livres sur la musique les plus répandus en Allemagne, — il prit manifestement fait et cause pour « l’œuvre d’art de l’avenir », et la présenta comme le point où devait aboutir toute l’évolution de la musique. Cette opinion, pour un ouvrage destiné en quelque sorte à l’enseignement, était alors d’une hardiesse rare. Non seulement Brendel publia aussi dans sa revue de nombreux articles dans le même sens, mais il s’acquit pour elle la collaboration de Wagner lui-même, qui y publia, entre autres choses, son célèbre article intitulé : Le Judaïsme dans la musique. Il est à peine besoin de dire qu’il appelait également à collaborer à sa revue, en même temps que Wagner, tous les wagnériens de la première heure. Malgré tout ce beau zèle, peut-être Franz Brendel n’a-t-il jamais saisi bien profondément ce que c’était que le wagnérisme ; et ce qui permet de le juger ainsi, c’est que, devant ses auditeurs et ses lecteurs, il éprouvait le besoin d’excuser Wagner ; d’expliquer qu’il ne fallait pas prendre ses écrits au pied de la lettre ; que sans doute ses doctrines étaient exagérées, etc. Mais peut-être au début cette façon de présenter le wagnérisme était-elle d’une bonne tactique, d’autant meilleure qu’elle était irraisonnée ; et comme par ailleurs Brendel, esprit superficiel mais brillant, était doué d’une de ces heureuses natures qui ont toujours confiance en soi, et vont toujours de l’avant, il se trouva en fin de compte que comme intermédiaire, comme vulgarisateur, il rendit les plus grands services à la cause wagnérienne.

Je crois qu’il était juste de faire ressortir l’importance de ces