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la bonne fortune de pouvoir conférer un peu longuement de ces questions avec un homme que M. de Wyzewa, ici même, n’a pas craint d’appeler audacieusement « la seule autorité en matière de wagnérisme » : M. Houston S. Chamberlain ; et je serais ingrat, si je ne disais pas tout de suite combien le secours de son impeccable érudition et le souvenir de son jugement large des choses wagnériennes m’ont été précieux dans cette étude.


I

Sans doute on aura déjà compris par le titre de cet article qu’il doit s’agir ici de biographies de Wagner, de commentaires de ses œuvres, tant de ses drames que de ses écrits théoriques, et en général de travaux se rattachant au moins par un point à la personnalité ou à l’œuvre de Wagner. Et en effet c’est presque exclusivement sur des travaux de cette sorte que notre examen doit porter. Cependant il existe tout un groupe, — et un groupe sinon très nombreux, du moins très important, — de wagnériens qui donnent à l’expression de « littérature wagnérienne » un sens bien plus étendu, que je demanderai la permission de lui conserver ici. Nous y trouverons cet avantage que cela nous fournira une ligne de démarcation très nette, permettant de différencier les unes des autres d’une façon nullement arbitraire les productions que nous aurons à examiner, et justifiant, mieux que par une simple question de dates, la classification que j’en proposerai : d’un côté, les productions antérieures à 1872, date où l’ut posée la première pierre du théâtre de Bayreuth ; et d’un autre côté les productions postérieures à cette date de 1872. Pour qu’on puisse apercevoir tout à l’heure la raison de ce groupement, définissons donc tout d’abord ce sens « plus large » de l’expression de littérature wagnérienne.

Le génie de Wagner s’est désormais assez universellement impose pour que le mot île wagnérien lui-même puisse maintenant servir à désigner des hommes d’idées et de tendances fort opposées ; et le groupe wagnérien dont je viens de parler, peut-être, pour le définir avec précision, faudrait-il plutôt l’appeler le groupe « bayreuthien », puisque c’est surtout dans la Revue de Bayreuth (Bayreuther Blätter) qu’il prend conscience de soi et cherche à exercer son influence sur le public. Or, ce qui caractérise le vrai Bayreuthien, c’est de toujours reléguer au second plan tout ce qui n’est que biographie ou commentaire, pour donner le pas, et réserver surtout le nom de littérature wagnérienne, aux œuvres qui lui apparaissent comme pénétrées des doctrines de Wagner, qu’il y soit ou non question de Wagner. La conception du monde,