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Allemagne, qui embrasse déjà une période de près de cinquante ans. L’importance des travaux auxquels il a donné lieu ne saurait échapper à qui voudra songer que ces travaux ne sont pas seulement les témoins historiques de ce qu’on pourrait appeler la lutte wagnérienne, mais des incidens eux-mêmes de cette lutte, et qu’ainsi ils ont leur part dans le développement de l’œuvre et de l’idée de Wagner.

Pour ce qui est de leur nombre, on s’en rendra compte en feuilletant seulement quelques instans un ouvrage dû à M. Œsterlein, de Vienne, et qui est simplement un catalogue de la bibliothèque réunie par ce collectionneur de tout ce qu’il a pu trouver concernant Wagner. Trois gros volumes actuellement publiés ne comprennent pas moins de 1200 pages, format grand in-8o, et contiennent 9 579 numéros, qui ne se rapportent tous qu’à des publications antérieures à la mort de Wagner, c’est-à-dire au 13 février 1883. Depuis, la collection de M. Œsterlein n’a pas cessé de s’enrichir, et elle dépasse aujourd’hui 20 000 numéros. C’est dommage qu’il y ait fait entrer, — outre les livres, brochures, articles importans de revues et de journaux, d’Allemagne aussi bien que d’ailleurs, — beaucoup de choses qui n’ont d’autre intérêt que de témoigner de son culte particulier pour la mémoire de Wagner, telles que portraits, illustrations, autographes, etc., et jusqu’aux livres de classe qui furent en usage dans les écoles où fréquenta Wagner enfant. Qui ne sut se borner… et surtout choisir, manqua toujours au premier devoir du collectionneur. Utile à l’occasion comme répertoire bibliographique, l’ouvrage de M. Œsterlein reste ainsi trop touffu, et d’ailleurs laisse trop toutes choses sur le même plan pour pouvoir servir à donner une idée suffisamment claire de la littérature wagnérienne.

Ce sera donc uniquement l’histoire même de Wagner et du wagnérisme qu’il faudra qu’on étudie pour dégager avec quelque netteté les lignes principales de cette littérature. Un peu perdues, semble-t-il, dans l’ensemble des annales du wagnérisme, — et cachées même souvent par l’importance que prennent, pour tout historien et critique de Wagner, les œuvres et l’action directe du maître, aussi bien que les tentatives de réalisation scénique et la manière dont ces tentatives furent accueillies, — les grandes lignes de la littérature wagnérienne méritent cependant d’être fixées à part et de former comme une esquisse distincte. C’est là tout ce que je veux essayer de faire ici : puiser dans l’histoire du wagnérisme, non pas au hasard, ni même en y prenant tout ce qui peut d’ailleurs avoir en soi quelque intérêt, mais au contraire en ne retenant que ce qui semble avoir eu une action réelle sur les destinées du wagnérisme. J’ai d’ailleurs eu maintes fois