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Dolé, avocat au Parlement de Paris, était, au début, l’homme d’affaires des deux Italiens ; il devint bientôt leur confident. Sa compétence s’était étendue, des intérêts d’argent aux questions politiques. Marie de Médicis, dès qu’elle devint régente, l’avait choisi pour son fondé de pouvoirs général et lui avait donné une place dans le conseil. En 1612, il avait été compromis, avec un certain Magnat, dans une affaire des plus louches, d’où il parut résulter que le duc de Savoie entretenait avec Concini une correspondance où les secrets de la politique française étaient bien mal gardés. L’affaire fut étouffée, grâce à un habile avertissement donné par Bassompierre au marquis d’Ancre. Magnat seul paya pour tous et fut pendu en place de Grève. Il y avait donc, entre l’avocat et le favori, un de ces « cadavres » qui sont des liens mystérieux et terribles pour ceux qui en partagent le poids. Concini avait fait la fortune de Dolé. En 1612, il l’avait appuyé pour la charge de procureur général au Parlement de Paris. Le chancelier de Sillery s’était mis à la traverse et devait, par la suite, payer cher cette intervention. Villeroy s’était également fait un adversaire de Dolé. En 1614, il l’avait empêché de devenir contrôleur général des finances. Les « barbons » devinaient-ils, dans ces jeunes ambitieux, leurs futurs successeurs ? Il était pour les mesures énergiques et, dès 1615, il avait conseillé, le premier, l’arrestation de Condé. Dans toute la négociation de Loudun, il s’était montré hostile aux concessions. Il était au comble de la faveur, en mars 1616, quand il mourut subitement, au moment où il touchait aux plus hautes destinées. Son caractère et sa courte fortune sont indiqués en quelques mots par de Thon, quand il parle de ses « emportemens et brutalités », et par Arnauld d’Andilly, qui écrit dans son journal le 30 mai 1616 : « Mort de M. Dollé à quatre heures du matin. Il avoit été malade quatorze jours. Lorsqu’il tomba malade, la reine se confiait en lui des affaires d’Etat plus qu’en nul autre… Il était au plus haut point de sa faveur et de ses espérances. Il se jugea mort le second jour de sa maladie et fit son bonjour. Il a laissé huit enfans. »

Claude Mangot était aussi un avocat, mais d’un autre caractère, plus doux, plus souple et plus honnête. Le président Gramond dit de lui : « vir probus et, quod in aulà rarum, incorruptus. » Il appartenait à une excellente famille de robe. Son père était de Loudun et, par cette origine, avait peut-être quelque accointance avec les Duplessis-Richelieu. Ce père était un avocat illustre et dont Loysel parle avec éloge dans son Dialogue. Il avait eu un fils aîné, Jacques Mangot, qui était mort jeune et dont la perte fut pleurée dans les termes les plus touchans par l’élite de son temps, les Pasquier, les Loysel, les Du Vair, les d’Espeisses : « Il n’avait que