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connaissance des affaires publiques. » Mais on se consolait en pensant que, laissées au dehors, elles feraient encore plus de mal : « car, étant ordinairement ambitieuses et vaines et ne se trouvant pas assez considérées tant que les choses demeurent dans l’ordre, elles font le plus souvent tout ce qu’elles peuvent pour le troubler. »

A partir de février 1616, cette agitation a pour centre la petite ville de Loudun. Tous les princes rebelles s’y étaient réunis ou y avaient envoyé leurs représentans. La cour avait délégué ses ministres et ses hommes d’Etat : Villeroy, Pontchartrain, le maréchal de Brissac, l’illustre de Thou. Tous les mécontens, tous les ambitieux, tous ceux qui avaient à réclamer, à espérer ou seulement à se plaindre étaient accourus. Les intermédiaires, les officieux, les donneurs d’avis, les inutiles, les agités étaient là. On y rencontrait des soldats de fortune, des diplomates, des espions, beaucoup de moines. Tout ce monde était aux écoutes de ce qui se faisait dans la salle de la comtesse de Soissons où les princes et les ministres royaux se réunissaient. Les problèmes qui se traitaient autour de cette table auraient pu donner au débat une haute gravité. Mais l’action se rapetissait à la taille des acteurs et la négociation dégénérait en marché. À ce niveau, elle ne présente pour l’histoire qu’un intérêt restreint, et nous ne retiendrons, des résultats obtenus par la patience et la longanimité des commissaires royaux, que quelques faits précis.

Les princes étaient vaincus. La rébellion sentait son impuissance, même en présence d’une régence malhabile et d’un gouvernement médiocre. Au contraire, le pouvoir reprenait confiance en lui-même et en ses forces. Le cap était franchi. La reine mère ne considérait plus comme aussi redoutable le péril devant lequel elle avait toujours tremblé, à savoir la coalition de tous les mécontens sous la conduite des grands. Elle commençait à prendre plus de confiance en l’avenir de son gouvernement. Assurément ce n’était pas le jeune roi, tout à ses chasses et à ses favoris, qui pouvait songer à disputer le pouvoir qu’on exerçait en son nom. Quant aux vieux ministres, leur temps était fini. Villeroy avait servi à Loudun, mais diminué, vieilli, fâcheux aux princes, dont il combattait les convoitises, fâcheux à la cour qu’il soumettait à un régime de concessions de détails et de blessures d’amour-propre plus pénibles peut-être que des sacrifices plus importans. Sillery avait mené, sous-main, une intrigue obscure avec les princes. La reine en avait eu vent et elle couvait en silence le projet de se débarrasser de lui et de toute sa séquelle. D’Epernon, dépité et malade, restait à bouder dans sa province. Guise n’avait jamais été qu’un nom et une figure. En somme, il ne restait plus