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était son seul divertissement, les dernières années de sa vie : celle de l’amour n’y paraissait point. Il était rompu par deux hernies, de telle façon que la vertu ne faisait en aucune façon partie de sa chasteté. » L’observation, dans sa formule tortueuse, va loin. En présence de ce témoignage, il ne reste plus qu’à penser, avec l’évêque, qu’entre la reine et le favori, « il n’y avait rien » !

Il faudrait donc attribuer la fortune de Concini surtout à l’influence de Léonora Galigaï. Cette interprétation est d’ailleurs plus conforme aux faits publics. Il est incontestable que la reine, au début, n’accorda, aux Concini que des marques de faveur particulière et que leur action sur les affaires ne se lit sentir que plus tard, alors qu’un parti politique organisé s’en empara comme d’un instrument de règne. Durant les premières années de la régence, les affaires furent conduites par les ministres de Henri IV : Sillery, Villeroy, le président Jeannin. Ceux-ci restèrent les véritables chefs du gouvernement jusqu’en 1615. Rien ne se faisait que par eux. Ils fussent restés les maîtres, probablement, s’ils ne s’étaient divisés et si, par leurs fautes, ils n’avaient prêté le flanc aux attaques de leurs adversaires.

Henri IV les avait choisis. Ils avaient, de ce chef, une autorité qui s’ajoutait à leur mérite réel. Mais leurs dissentimens aussi étaient anciens, et cette cause de faiblesse apparut dès le début du nouveau règne. Ils commencèrent par se débarrasser d’un rival dont l’influence brutale et présomptueuse avait suscité bien des haines, Sully. Celui-ci, d’ailleurs, s’y prit mal. Au jour de la mort de Henri IV, il s’enferma dans la Bastille, comme s’il se préparait à soutenir un siège. Il ne vint voir la reine que lorsque ses inquiétudes personnelles furent un peu apaisées. L’intérêt de l’État et les sentimens qu’il devait éprouver pour le fils de son « bon maître » n’apparurent pas dans cette circonstance ; cet excès de prudence donna prise à ses adversaires. Se sentant attaqué, il précipita sa disgrâce en ne manquant aucune occasion de la prédire et de quereller tous ceux que sa mauvaise humeur en rendait d’avance responsables. Sa chute n’en fut pas moins une grande perte aux yeux de tous ceux qui voyaient le salut de la France dans la continuation de la politique du feu roi.

Après Sully, le plus autorisé des ministres de Henri IV était Villeroy. Il fut le véritable chef du nouveau gouvernement. Entré aux affaires, à l’âge de vingt ans, sous Charles IX, ministre de Henri III, puis écarté par une révolution de cour et un moment ligueur, il avait contribué, plus que personne, à la pacification du royaume, et par une adhésion éclatante et sincère à la politique et à la personne de Henri IV. Celui-ci l’avait réintégré dans