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faisait des sorties bruyantes, « juroit qu’il la renverroit en Italie avec son Concini. » On dit même qu’il avait donné huit jours à l’Italien pour déguerpir, quand il fut lui-même surpris par la mort.

Le roi disparu, les Concini restèrent maîtres de la place. Tous les témoignages concordent pour reconnaître qu’au début, ils se tinrent plutôt sur la réserve. Ils ne se sentaient pas encore assez assurés du terrain et ne songeaient qu’à gagner une grande fortune personnelle, sans viser à une influence directe sur les affaires. Un contemporain donne la note exacte en ces termes : « Le Concino se maintient dans sa faveur accoutumée, mais plus comme courtisan que comme conseiller intime. » Fontenay-Mareil nous donne un curieux détail des habitudes de vie de Marie de Médicis, qui permet de préciser exactement la place que les deux favoris tenaient dans l’emploi de ses journées : « Le matin, la reine tenoit une sorte d’audience où la cour avoit accès auprès d’elle. De onze heures à midi, elle recevoit ses ministres et parloit d’affaires avec eux. Après le dîner, elle recevoit encore et parfois tenoit un grand conseil jusqu’à trois heures. Elle se renfermoit ensuite quelque temps et enfin tenoit sa cour jusqu’à sept heures… Mais depuis qu’on avoit donné le bonsoir, qui étoit ordinairement sur les sept ou huit heures, il se tenoit une autre cour plus particulière et où il ne se trouvoit que des personnes principales et agréables : pour les femmes, la princesse de Conti, Mme de Guise, la maréchale de La Châtre, Mme de Ragny et quelques autres ; pour les hommes : MM. de Guise, de Joinville, l’archevêque de Reims et le chevalier de Guise, M. Le Grand, MM. de Créquy, de Grammont, de La Rochefoucauld, de Bassompierre, de Saint-Luc, de Ternes, de Schomberg, de Rambouillet, le colonel d’Ornane, de Richelieu frère aîné de l’évêque de Luçon, tous fort considérables par l’esprit et la condition… et cela duroit jusque sur les 10 heures, après quoi, elle se retiroit pour un peu de temps dans son petit cabinet et puis alloit souper. Après que la reine avoit soupe, tous les principaux officiers qui s’y trouvoient ordinairement se retiroient et la signora Conchine qui ne la voyoit guère qu’à son lever, quand elle s’enfermoit l’après-dînée et à cette heure-là, arrivoit et demeuroit assez souvent une heure et deux heures avec elle, sans lui parler d’affaires d’Etat ; et tant que la régence dura (c’est-à-dire jusqu’en 1614) ni son mari, ni elle, ne s’en mêlèrent presque point, mais seulement de leurs intérêts et de ceux de leurs amis… Quant au signor Conchine il ne parloit à la reine, ni même ne la voyoit qu’aux heures publiques et qui étoient aussi pour tous les autres de sa maison. »