Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 123.djvu/688

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France sans le « commandement exprès et spontané » du roi et celui de l’Eglise du royaume.

Cet exemple est choisi entre cent dans la collection des armes défensives qui ont grossi l’arsenal des franchises gallicanes, depuis saint Louis jusqu’à Napoléon. Le Concordat de 1801, flanqué après coup de ces articles organiques contre lesquels la cour de Rome a toujours protesté, couronna nos retranchemens séculaires ; il remplaça la déclaration de 1682 et les édits des parlemens, comme les fortifications modernes remplacent les remparts à la Vauban. Si le Premier Consul entoura de tant de restrictions l’exercice de l’autorité romaine qu’il rétablissait, ce ne fut pas seulement, comme le disent la plupart des historiens, dans le dessein machiavélique d’accaparer à son profit la force religieuse. Sur ce point comme sur tant d’autres, Bonaparte obéissait au penchant secret de son génie pour les traditions de l’ancienne France ; il les ressuscitait en les frappant à son effigie. Et le souverain le plus absolu, qu’il fût Louis XIV ou Napoléon, n’aurait pas pu innover, en ces matières pour l’unique satisfaction de son despotisme, s’il n’avait rencontré dans l’esprit national une puissante complicité. Elle a encouragé tous les gouvernemens qui se sont succédé depuis un siècle à user des articles organiques ; ceux-là mêmes qui se montraient les plus dociles à l’influence de l’Eglise, comme la Restauration, n’ont pas laissé les armes impériales se rouiller. De nos jours encore, au fond de nos idées politiques bouleversées par tant de changemens, ce levain de gallicanisme subsiste chez beaucoup de gens qui l’ignorent, qui repousseraient le mot avec un sourire. On l’a bien vu dans le débat du 17 mai ; il était facile de discerner, sous les attaques inspirées par la passion anti religieuse, un courant plus profond, alimenté par les sources obscures d’un passé très lointain, et qui gagnait jusqu’aux bancs de la Chambre où ces attaques rencontrent la plus vive réprobation.

C’est qu’il se retrouve chez le patriote chrétien de tous les temps, ce scrupule entre deux appels de la conscience, ce besoin de faire une part à la nationalité dans la catholicité. Chez les peuples anglo-germains, la réaction nationale a rompu l’équilibre ; elle joua sans doute un grand rôle dans le violent déchirement de le Réforme. En France, le dérivatif du gallicanisme a donné une satisfaction suffisante à l’esprit particulariste, il nous a peut-être épargné une rupture semblable. Les défenseurs de l’unité qui fulminent contre le gallicanisme ne lui tiennent pas assez compte de ce qu’il a empêché. — Qu’est-ce donc, en dernière analyse, que cette recherche d’un compromis entre la soumission