du monde. » Rêvait-il, lui aussi, de faire voir à ses compatriotes la lune à un mètre ? Peut-être bien. Son projet primitif, tendrement caressé, consistait à installer « le plus grand télescope du monde » en plein cœur de San Francisco. Il fallut beaucoup de diplomatie aux astronomes américains pour lui persuader que l’isolement, les vastes horizons et l’air pur du mont Hamilton, situé à quelque distance de la ville, convenaient mieux aux observations astronomiques que l’agitation d’une cité populeuse, où l’atmosphère est toujours épaissie par les poussières et les fumées. On peut sourire des formes ingénues que l’amour de la science revêt parfois chez ses adeptes improvisés. Ce brave Californien aimait la science à sa manière, mais ses largesses la dotaient magnifiquement. Vaut-il mieux l’ériger en divinité, et, la traitant comme telle, lui demander tout, sans lui donner rien ?
Le mont Hamilton réunit les avantages qui firent adopter en France l’emplacement du mont Gros pour y construire l’observatoire fondé par M. Bischoffsheim. De même que le mont Gros, situé sur « la côte d’azur », domine la Méditerranée, de même le mont Hamilton regarde le Pacifique par-dessus les champs de citronniers et les vergers de San José. Les bâtimens de l’observatoire Lick ont fort belle apparence, sans présenter la grandeur imposante qui distingue l’observatoire de Nice, élevé par M. Garnier. Quant aux aménagemens intérieurs, ils sont parfaits de tous points. Parmi les perfectionnemens les plus ingénieux, introduits également dans l’observatoire de Washington, qui a été transféré depuis peu au nord-ouest de la capitale sur une hauteur, signalons le plancher mobile verticalement sous la grande lunette, ce qui permet à l’astronome d’en suivre avec facilité les déplacemens. L’heureuse installation des appareils assure en même temps la précision des mesures et la commodité des observations. Cette seconde condition, plus intimement liée à la première qu’on ne serait tenté de le croire, a peut-être été trop souvent négligée chez nous.
Tant de généreux sacrifices et d’efforts intelligens ne sont pas demeurés stériles. C’est à l’aide de la fameuse lunette, qui était en effet la plus puissante du monde, il n’y a pas encore dix ans, à l’époque où elle lut installée sur le mont Hamilton, que M. Barnard réussit à découvrir un cinquième satellite de Jupiter. Le savant astronome voulut bien nous le montrer, ainsi que d’autres merveilles célestes, dont la visibilité, favorisée par une nuit splendide, attestait l’excellence de l’instrument ; son pouvoir optique répond à ses dimensions. Les spectres si curieux que M. Campbell eut l’obligeance de nous faire voir, les