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presser, et au premier rang la fameuse presse des forges de Bethléem, qui surpasse les plus célèbres marteaux-pilous. Elle est alimentée par trois machines à vapeur de cinq mille chevaux, et peut produire une pression de quatorze mille tonnes.

Aujourd’hui, en Amérique, les montres, les machines à coudre ou à écrire, les moteurs pour tramways, etc., etc., ne contiennent pas une seule pièce qui ne soit faite mécaniquement et qui ne puisse donc être immédiatement remplacée, en cas d’accident, par une pièce identique. Ne fabrique-t-on pas jusqu’aux scies à dents rapportées ? Ces procédés ont leurs avantages incontestables. Mais aussi les conditions nécessaires du système, les frais considérables d’installation, d’agencement et d’outillage exigent un débit assuré de plusieurs milliers du même article par jour, et ne se concilient guère qu’avec une fabrication par séries, excluant toute variété.

La tendance générale paraît être en effet l’uniformité du type : l’horlogerie, par exemple, n’admet que six modèles de montres, trois pour les femmes et trois pour les hommes. Il en est ainsi, plus ou moins, dans les différentes branches de l’industrie américaine. Les fabricans établissent un objet quelconque, le reproduisent à l’infini par les moyens mécaniques, le lancent sur le marché qu’ils inondent, puis recommencent pour un objet nouveau, toujours de façon semblable. Rien de plus difficile que d’obtenir des modifications, fussent-elles légères, au type adopté ne varietur.

Une pareille simplification de méthode industrielle et commerciale, fort commode évidemment, pourra-t-elle être maintenue sans risques, dès que les tarifs prohibitifs cesseront d’empêcher la concurrence extérieure ? Elle ne saurait convenir aux industries où l’art et la fantaisie dominent. Les peuples d’Europe qui avaient jusqu’ici la supériorité sur ce point feront bien de la conserver à tout prix : c’est par là principalement qu’ils seront capables de lutter contre leurs redoutables rivaux d’outre-mer.

Pour vaincre dans le domaine industriel, le génie inventif ne suffit pas. Il faut encore et le coup d’œil juste qui saisisse la portée d’une invention, et l’activité entreprenante qui ose aussitôt la mettre à profit. Ces qualités essentielles, l’Américain les possède au plus haut degré.

L’usage des billes d’acier, destinées à réduire le frottement dans des proportions très sensibles, est de date assez récente en mécanique. Nous ne l’appliquons guère qu’à la construction des vélocipèdes. L’adoption de cet ingénieux procédé se généralise aux États-Unis, si bien que la fabrication des billes métalliques