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France, l’alliance est sans objet. On pourrait presque soutenir, en ce qui concerne Home, que l’Italie avait plus de raisons de s’allier à la France républicaine qu’à l’Allemagne de M. de Bismarck, mais les Italiens crieraient au paradoxe. Contentons-nous de dire, ce qui est vrai, qu’ils n’avaient pas, de ce chef, plus de raisons de s’allier à l’Allemagne que de s’allier à la France, pas même la peur, justifiée ou non, qui est une raison aussi, puisque, dans la question romaine, ils ne savaient laquelle craindre le plus, de la France ou de l’Allemagne.

Oui, mais il y avait Tunis, et l’équilibre de la Méditerranée. On a vu que, sur ce point, le traité ne donnait à l’Italie aucune satisfaction, que, pour la protection des « intérêts primordiaux communs », il ne lui donnait qu’une satisfaction platonique : une promesse d’ « intelligence amicale « Dès lors, sur ce point comme sur l’autre, l’alliance, pour l’Italie, est à peu près sans profit, hormis le divin plaisir de la vengeance. Il y avait, enfin, le désir immodéré de la revanche qui, tous les journaux l’assuraient, travaillait à ce degré la France, qu’il la pousserait aux pires coups de tête et préparait à l’Europe des catastrophes. Mais cette revanche, ce n’était pas sur l’Italie que la France avait à la prendre. L’Italie ne pouvait y être intéressée que pour la part et dans la mesure où la paix générale du monde l’intéressait.

Si elle voulait sincèrement la paix, si nul intérêt, à ses yeux, n’était primordial, à côté de celui-là, était-ce bien le moyen de l’assurer que de s’unir à l’un des belligérans désignés ? La ligue générale pour la paix générale, n’était-ce pas, au contraire, un moyen infaillible de faire naître une autre ligue et de changer en guerre générale ce qui ne devait être, en cas de conflit, qu’un duel entre l’Allemagne et la France ? Et si le conflit ne se produisait pas, si la France, forte de son droit, attendait sagement son heure, — à quoi servait la Triple-Alliance, conclue pour maintenir une paix que personne n’avait l’intention de troubler ? De quoi pouvait-elle bien, en particulier, servir à l’Italie ? Quelle utilité en retirait-elle ? On lui avait demandé, avant de l’accepter on tiers dans l’alliance, d’établir ce qu’elle valait, mais que valait l’alliance, pour elle ?

À cette question posée par d’autres ou qu’il se posait à lui-même, le comte de Launay faisait la réponse que se font toujours les hommes politiques, quand ils ont besoin de se leurrer pour se consoler : « L’alliance vaudra pour nous ce que nous saurons la faire valoir. » Quelques-uns étaient plus hardis : « L’Italie, disaient-ils, a tout à gagner, rien à perdre. » Mais comment pouvait-elle gagner quoi que ce fût, de tout ce qu’elle convoitait ? D’une seule manière, par la guerre. Vraiment, sincèrement pacifique,