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ministre ordinaire, en dépit d’une science étendue et de dons exceptionnels, à cause de ces dons et de cette science même. — À Vienne, le baron Haymerlé, puis le comte Kalnoky, que l’Italie ; officielle se représente comme un féodal et un clérical, dont elle se croit médiocrement appréciée et qu’elle apprécie médiocrement. À Berlin, M. de Bismarck, qui va mener toute la pièce, qui en est l’auteur et l’imprésario, mais qui sait à fond son métier et ni ; paraît jamais ni sur la scène, ni dans sa prose. Comme acteurs secondaires, deux ambassadeurs du roi d’Italie ; à Berlin, le comte de Launay, gentilhomme achevé et patriote enthousiaste, devenu « italianissime » avec la dynastie de Savoie et légèrement germanisé par un séjour de vingt ans près des fondateurs de l’empire ; à Vienne, le comte de Robilant, aussi bon gentilhomme, aussi bon patriote, non moins italianissime, mais se mouvant dans une atmosphère encore imbue de préjugés contre l’Italie, dans un milieu demeuré malgré tout réfractaire, sentant quelque fraîcheur à la Hofburg et, par un juste orgueil national, désirant que l’Italie se maintienne à la même température. Les personnages seront au complet quand nous aurons introduit le baron Blanc, nommé secrétaire général du ministère des Affaires étrangères italien et dont les hautes capacités techniques apportent au talent de Mancini un utile secours.

Le drame se resserre, l’action se noue, le dialogue s’engage. Jusqu’alors, on n’avait entendu que le chœur, et un chœur populaire, chantant tant bien que mal, au mépris de la mesure. Il disait le songe africain de l’Italie, son désappointement, son envie, son désir de vengeance. Il paraphrasait, en langue vulgaire, le Væ soli de l’Écriture. « On nous insulte parce que nous sommes faibles. Nous sommes faibles parce que nous sommes isolés. » Pensée, paroles et musique, ce n’est que l’instinct d’une foule. Mais voici venir les chorèges, les artistes. Et de la basse tumultueuse et grondante se détache aussitôt ce motif : « Notre isolement ne cessera qu’à Vienne et à Berlin. » Lorsque la toile tombe, après le premier acte qui n’est guère qu’un prologue, personnages et chœur, le bras étendu comme pour un serment, rivalisent du geste et de la voix : « Allons, courons, volons à Vienne et à Berlin ! » Ainsi finissent toujours les premiers actes, dans les opéras politiques.


II

Dès la fin de ce premier acte, le dénouement est clairement indiqué : c’est l’alliance avec les puissances centrales. On ne