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on voulait dégager quelques conclusions, voici, je crois celles que l’expérience révélerait.

En théorie, et comme moyen de distinguer le mendiant professionnel du mendiant par accident, l’homme qui exploite la charité publique de celui qu’une infortune imméritée oblige à y avoir recours, la création d’œuvres d’assistance par le travail, c’est-à-dire d’ateliers où l’on donne du travail à l’indigent moyennant un salaire, est une chose excellente. Il est certain que l’homme qui dans la rue refuserait un bon de travail ou qui, l’ayant reçu, ne l’utiliserait pas, pourrait être considéré comme un faux pauvre ou plutôt comme un paresseux.

En fait, ce bon de travail peut-il être offert à tous les mendians? Il faut distinguer.

La première condition pour pouvoir travailler est d’être valide. La maison de la rue Fessart demande avec raison dans son règlement qu’on ne lui envoie point d’infirmes. Voilà donc toute une catégorie d’indigens qui est en quelque sorte exclue de l’assistance par le travail. Je sais bien qu’une bonne infirmité, bien exploitée, vaut un titre de rente, et que trop souvent un infirme devient bon gré mal gré un gagne-pain pour une famille. M. Paulian en cite dans son livre de curieux exemples. Mais il faut bien, cependant, que cet infirme vive et tant que la charité privée ou à son défaut la charité publique ne seront pas organisées de façon à ce qu’il soit pourvu d’une manière ou d’une autre à ses besoins (à supposer bien entendu qu’il n’ait pas de famille pour prendre soin de lui), il sera difficile de lui appliquer d’une façon rigoureuse les lois sur la mendicité. Or cette catégorie de mendians est fort nombreuse.

Lorsque les œuvres d’assistance par le travail supposent l’hospitalisation, il faut de plus que le mendiant adressé à ces œuvres soit dans une condition qui lui permette d’y avoir recours ; je veux dire qu’il ne soit ni marié, ni père de famille, car s’il a une femme ou des enfans que son travail doit faire vivre, il est assez difficile de lui conseiller de les abandonner pour aller s’enfermer dans un atelier où son travail suffira strictement aux charges de son entretien. Avenue de Versailles, il arrive quelquefois que l’on reçoit à la fois le mari et la femme. Mais ce ne peut être là qu’une exception, et d’une façon générale l’assistance par le travail ne peut venir en aide, telle qu’elle est organisée dans les différens établissemens où l’on hospitalise l’assisté, qu’à l’individu isolé, sans domicile et n’ayant à satisfaire qu’à ses propres besoins.

Est-il possible d’aller plus loin, en généralisant l’usage de ce bon spécial qu’ont émis les Unions d’Assistance du XVIe arrondissement et du XVIIe arrondissement et qui donne droit à une rémunération payée en argent de vingt-cinq centimes par heure