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choix, tout comme dans un fourneau ordinaire. Son déjeuner et son dîner lui reviennent à environ 18 sous. Pour son coucher il lui est remis tous les soirs un bon de logement dans un hôtel garni du voisinage avec lequel des arrangemens particuliers ont été passés. Ce bon lui est vendu 7 sous. C’est donc à peu près 15 sous par jour que chaque hospitalisé peut économiser sur son salaire. La durée maximum du séjour est de vingt jours, la durée moyenne de dix-sept. Chaque hospitalisé sort donc de la maison avec un petit pécule de 12 à 13 francs, ayant repris l’habitude du travail, le respect de lui-même que la mendicité lui aurait bien vite enlevé et parfois même les premiers principes d’un assez bon métier. Onze cent cinquante-six hommes ont passé en 1893 par les ateliers de la rue Félicien-David. Les dépenses totales de l’œuvre, y compris les salaires, les frais généraux, l’achat des matières premières, se sont élevées à 90 963 francs. La vente des objets fabriqués, dont la plupart sont livrés aux grands magasins, a produit 72 539 francs. L’écart demeuré à la charge de l’œuvre est donc, en chiffres ronds, de 18 000 francs. On remarquera que, proportionnellement au mouvement des affaires, cet écart entre les recettes et les dépenses. est bien moindre rue Félicien-David que rue Fessart ou rue Salneuve. Néanmoins l’œuvre ne désespère pas de le réduire encore, et les résultats de l’exercice en cours font prévoir que le déficit de l’année auquel l’œuvre devra pourvoir ne dépassera pas 14 000 francs. Ajoutons, et ce n’est pas le renseignement le moins intéressant, que, sur cent hommes hospitalisés, quarante en moyenne sont placés par l’œuvre, trente-quatre sont des cliens habituels de la charité, et vingt-six disparaissent.

L’Assistance par le travail, telle qu’elle est organisée avenue de Versailles et rue Fessart, suppose l’hospitalisation. Sous une forme ou sous une autre, l’assisté est nourri et logé. Mais le défaut de travail ne suppose pas nécessairement le défaut de domicile, et avant que le chômage ait entraîné cette triste et dernière conséquence, la charité ne peut-elle pas intervenir pour procurer du travail? Ce serait là un nouveau progrès. Les bons de travail répondent dans une certaine mesure à cette pensée. Mais leur usage est encore peu répandu. Une œuvre récemment créée s’est efforcée d’y parvenir, du moins en ce qui concerne les femmes, et je suis heureux de la faire connaître à ceux qui se préoccupent de la condition des ouvrières à Paris. Il n’y en a pas de plus douloureuse, et le contraste est grand entre les réclamations arrogantes d’ouvriers qui gagnent parfois des salaires élevés et la résignation placide avec laquelle des milliers et des milliers d’ouvrières à l’aiguille travaillent pour des salaires qui méritent bien d’être