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qu’on la fasse bien. Or, il estime que c’est la mal faire que de remettre purement et simplement une petite somme au mendiant qu’on rencontre dans la rue sans s’informer ni de ce qu’il en fera ni s’il est digne d’intérêt. C’est ce qu’il appelle encourager les professionnels. Pour parer à cet inconvénient de l’aumône faite au hasard, voici ce qu’il a imaginé. Il met à la disposition de tous les souscripteurs de son œuvre, en aussi grande quantité qu’ils le demandent, des bons de travail. Le bon est destiné à être remis au mendiant qu’on rencontre dans la rue et lui donne le droit de se présenter à la maison de la rue Fessart. Là il sera hospitalisé, c’est-à-dire nourri et couché pendant un délai qui ne peut pas excéder quinze jours, mais en échange de cette hospitalité il devra travailler. La nécessité s’imposait donc de trouver un travail facile, qui pût être exécuté sans apprentissage préalable par tout homme valide. Ce travail, M. le pasteur Robin l’a découvert, c’est la confection des petits fagots. Il a même inventé un instrument que je n’essayerai pas de décrire, étant très inhabile aux descriptions, mais qui permet au plus maladroit de rassembler en margotins très bien serrés et ajustés les morceaux de bois sec qu’il aura débités d’abord avec une petite hachette. La tâche normale imposée à chaque hospitalisé est de 50 margotins par jour. Cette tâche représente un salaire de 1 fr. 50. Mais ce salaire est retenu par la maison comme équivalent des frais de couchage et de nourriture, et certes ce n’est pas là une exigence excessive. A ceux-là seulement qui peuvent confectionner plus de 50 margotins par jour, il est payé un salaire en argent qui leur constitue un petit pécule à leur sortie, mais le nombre n’en est pas grand. La maison hospitalière de la rue Fessart a reçu l’année dernière 1 162 hommes qui ont fabriqué 119 185 margotins. La vente desdits margotins a produit 10 988 francs. Les dépenses de la maison ont été de 21 498 francs. L’écart a été couvert par des donations, des souscriptions, des allocations diverses et par le remboursement des bons de travail délivrés aux mendians par les souscripteurs. Chaque souscripteur s’engage en effet à rembourser 1 fr. 50 par bon de travail délivré par lui et présenté à la maison. Cette somme représente l’hospitalité pendant une journée. Pour les journées subséquentes, le travail de l’homme couvre son entretien limité à la nourriture et au couchage. Quant aux frais généraux, ils sont couverts par les souscriptions ou subventions.

Rien ne fait son chemin comme une idée juste et d’une application facile, lorsque celui qui l’a eue, loin de prendre un brevet d’invention, fait tout ce qu’il peut pour la répandre. Ainsi en a usé M. le pasteur Robin. Peu s’en faut que l’assistance par les margotins ne soit aujourd’hui synonyme de l’assistance par le travail,