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Plus d’aumône, plus de charité. Aux malheureux du travail, aux paresseux la prison, et voilà une affaire réglée.

M. Mamoz sait bien que les choses ne sont pas aussi simples. Il sait que la misère est infinie, que ses formes sont multiples et ses causes complexes. Il sait également que le travail n’est pas toujours facile à procurer, que souvent il n’est pas rémunérateur et qu’il faut encore qu’il convienne aux aptitudes de celui auquel on le propose. Si son esprit très pratique et très positif ne lui avait révélé d’avance toutes les difficultés de l’entreprise, son expérience de directeur de l’Assistance par le travail n’aurait pas tardé à les lui faire découvrir. Il a eu cependant une idée très ingénieuse. Beaucoup de personnes charitables ont l’habitude d’acheter dans les grands magasins des vêtemens à bon marché qu’elles distribuent à des pauvres à Paris ou à la campagne. M. Mamoz a offert et offre encore à ces personnes de servir d’intermédiaire entre elles et les ouvrières qui à sa connaissance ont besoin de travail. Il se charge des commandes, fait faire l’ouvrage, paie les salaires, et livre les marchandises, prenant généreusement à sa charge les intérêts du fonds de roulement assez considérable dont il fait l’avance. C’est ainsi que l’année dernière, le magasin qu’il a établi rue du Cotisée a réalisé un mouvement d’affaires de 181 000 francs. Ce chiffre se décompose en achats de matières premières, frais généraux et salaires. Les salaires représentent un quart de la somme, et par ce procédé il a pu procurer du travail pendant l’année à environ 300 ouvrières qui sans cela en auraient manqué. C’est ainsi que la charité alimente la charité et que l’aumône fournit en même temps du travail. M. Mamoz a été moins heureux jusqu’à présent dans les efforts qu’il a faits pour fournir du travail aux hommes, bien qu’il ait pu procurer à un certain nombre des travaux de cordonnerie ou d’écritures. Mais le véritable service qu’il a rendu a été de tourner du côté de l’assistance par le travail les préoccupations de la charité. À ce point de vue il peut se considérer comme le père ou le grand-père d’un certain nombre d’œuvres qui se sont fondées à Paris dans ces dernières années pour mettre l’idée en pratique. Sans prétendre à les énumérer toutes, j’indiquerai les principales d’entre elles. Les résultats auxquels elles sont arrivées par des procédés variés nous serviront à tirer quelques conclusions et à montrer quel rôle l’assistance par le travail peut jouer dans l’organisation de la charité.

La plus ancienne en date de ces œuvres au moins pour les hommes est celle fondée rue Clavel par M. le pasteur Robin, aujourd’hui transportée rue Fessart. M. le pasteur Robin est quelqu’un qui joint, comme M. Mamoz, à un esprit de charité inépuisable, un grand sens pratique. Il veut qu’on fasse la charité, mais il veut