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l’Angleterre et de l’Amérique, il existe depuis vingt-cinq ans à Londres une association qui a pris pour titre : Charity organization Society. Cette société se propose un double but : au point de vue théorique, propager des idées justes en matière de charité, favoriser la création d’établissemens fondés en conformité avec ces idées, et servir de lien entre eux; au point de vue pratique, ouvrir des enquêtes sur le compte des personnes qui s’adressent à la charité privée, et, lorsqu’elles sont reconnues dignes d’intérêt, proposer en leur faveur les mesures nécessaires. La société possède dans Londres quarante sous-comités de districts, entre lesquels se partage la besogne des enquêtes ou des distributions de secours, et elle est en relations avec quatre-vingt-treize sociétés qui dans le Royaume-Uni poursuivent un but analogue. Il y a là une organisation dont on peut aisément se figurer la puissance. Ajoutons que la société publie chaque mois un bulletin où sont traitées les principales questions relatives à l’exercice pratique de la charité. Une société analogue existe à New-York, une autre à Boston, une autre à Philadelphie. Dans ces pays d’initiative individuelle et de liberté, on a compris qu’il n’était cependant pas possible de livrer la charité privée à elle-même, à ses fantaisies, à ses inexpériences, et que la condition de son action efficace était sa bonne organisation. Il a fallu du temps pour que cette idée fît son chemin en France. Elle flottait dans beaucoup d’esprits sans avoir trouvé encore de formule pratique, lorsqu’elle a rencontré un homme, la meilleure bonne fortune qui puisse arriver à une idée. Timeo virum unius libri, dit le proverbe; oui, mais l’homme d’une seule idée, lorsque cette idée est ingénieuse, utile et qu’il consacre sa vie à la faire réussir! Ce serait cependant faire tort à M. Lefébure, l’ancien député d’Alsace et de Paris, de dire qu’il n’a eu que celle-là dans sa vie. Ses nombreux et intéressans ouvrages, entre autres celui sur le Devoir social, qui a été couronné par l’Académie française, sont là pour l’attester; mais pour ceux qui s’intéressent au mouvement charitable de ces dernières années, il est surtout l’homme qui a eu l’idée de l’Office central de la charité.

Qu’est-ce donc que l’Office central? C’est un petit bureau sis boulevard Saint-Germain, numéro 175, où se tient tous les jours un homme en qui s’incarne le dévouement modeste, joint à l’activité incessante, et où se réunissent, au moins une fois par mois, et plus souvent si c’est nécessaire, des hommes dont la plupart ont consacré leur vie à l’exercice de la charité[1]. C’est bien peu de

  1. Tous ceux qui, depuis la création de l’Office central, ont eu recours à l’administrateur, M, Béchard, savent pour combien son dévouement et son expérience sont entrés dans le succès rapide de l’entreprise. Quant aux membres du Comité, ce sont les présidens des principales œuvres de Paris qui ont cru devoir s’adjoindre quelques concours dont ils n’avaient pas besoin, entre autres celui de l’auteur de ces lignes.