dans les limites d’une courtoisie officielle, bien que des rapports de cordialité s’imposassent, semble-t-il, entre ces hommes de race blanche, entourés de populations nègres et consacrant leur vie à la même œuvre civilisatrice. Entre leurs disciples respectifs, les relations étaient nettement hostiles ; Wagandas catholiques et Wagandas protestans, enivrés de connaissances nouvelles, défendaient leur foi avec intransigeance. Des questions d’intérêt augmentaient encore cette animosité, les personnages haut placés réservant systématiquement leurs faveurs à leurs coreligionnaires.
Jusqu’en 1888, cette mésintelligence entre musulmans, protestans et catholiques se manifesta seulement sous forme de mauvais services réciproques et d’épigrammes. À cette époque, une crise se produisit qui mit les adversaires aux prises. Jugeant que par des condamnations individuelles l’anéantissement de ses sujets infestés d’idées étrangères serait trop lent, Mouanga résolut de s’en défaire en bloc, en les transportant dans une île du lac Victoria et en les y laissant périr de faim. Mais chrétiens et musulmans étaient instruits de ce projet à la fois monstrueux et naïf. Une émeute éclata (9 septembre 1888). Mouanga s’enfuit presque seul, tandis que les insurgés proclamaient roi son frère Kiveva. L’entente ne dura pas longtemps entre les vainqueurs. Les musulmans, principaux auteurs du coup d’Etat, prétendaient s’en réserver tout le bénéfice. Les missionnaires furent chassés et les Wagandas chrétiens dispersés. Leur commune infortune rapprocha Mouanga et les missionnaires chrétiens réfugiés au sud du lac. Par désir de poursuivre leur œuvre de prosélytisme, ils pardonnèrent à Mouanga sa conduite passée et le secondèrent dans ses tentatives de restauration.
Après des semaines d’escarmouches, les musulmans furent battus le 4 octobre 1889 par les chrétiens coalisés. Ils se retirèrent au nord-ouest de l’Ouganda dans le territoire contesté qui s’étend entre ce royaume et l’Ounyoro. Rétabli sur son trône, Mouanga changea complètement d’attitude à l’égard des chrétiens. Il aimait mieux gouverner avec leur alliance, que ne pas régner du tout. Mais entre les deux partis, il ne partageait pas également ses faveurs. Il en comblait les catholiques, et le P. Lourdel devint son conseiller intime. Cette préférence, accordée au parti adverse, irritait les protestans, qui ne cachaient pas leur intention de profiter de l’intervention de l’Ibea « pour s’emparer de toutes les charges ».
Un roi qui ne dissimulait pas sa malveillance à l’égard des Anglais; un parti musulman vaincu sans doute, mais toujours