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de cette catastrophe ne tarda pas à se faire ressentir de l’autre côté des Vosges.

  • Redescendu en Basse-Alsace, Montecuccoli s’était arrêté à

Hochfelden, sur la Zorn. Là « il donnait jalousie à Saverne, Haguenau, la Petite-Pierre. » A quelle entreprise va-t-il s’attacher? « Je vous advoue que cela ne m’embarrasse pas peu[1]. » Cette période d’incertitude fut de courte durée. « On a entendu aujourd’huy le canon des ennemis, qui tirent sur Saverne, écrit M. le Prince le 11 septembre[2], et depuis deux jours les troupes de Lorraine remontent la Sarre, » marchant sur Saarbrück. Le plan des ennemis se dessine. Le vieux Charles IV, qui semble avoir retrouvé l’audace et le bonheur de ses jeunes années, veut faire sa jonction avec Montecuccoli, qui lui ouvre le chemin en attaquant Saverne ; tous deux ensemble essaieront de conquérir l’Alsace.

M. le Prince est sur ses gardes, et, dans la mesure du possible, il parera les coups. Il ne peut compter que sur les ressources qu’il a sous la main. Louvois lui a bien écrit d’annoncer partout que de Flandre dix bataillons et soixante escadrons marchent au secours de l’Alsace[3]; la ruse est grossière; personne n’y peut croire. Une chose est certaine : les troupes que Chazeron devait amener sont encore une fois retenues par Rochefort. Tant qu’il ne sera pas renforcé, Condé ne quittera pas Châtenois, ne voulant pas se laisser prendre au piège dans lequel tomba Turenne en 1673, quand le maréchal courut défendre l’Alsace contre Montecuccoli, qui faisait tranquillement sa jonction à Bonn avec le prince d’Orange ; il ne s’exposera pas à faire promener dans le vide sa précieuse infanterie et ne la mettra pas en plaine sans artillerie. Or, quelque soin qu’il donne à son parc pour le compléter

  1. M. le Prince à Louvois, 6, 9, 12 septembre. A. C. (minutes).
  2. A Louvois. A. C. (minute).
  3. Louvois à M. le Prince, 14 septembre. A. C.