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pique au nord avec un gros de cavalerie. A Gamshurst, carrefour important de routes, il se heurte dans l’ombre à de nombreux escadrons conduits par le prince Charles de Lorraine. L’engagement fut assez vif; notre lieutenant général reçut au pied une blessure peu grave, mais « qui l’empêchera de servir de sitôt[1] ». Au jour (24), l’infanterie arriva et l’ennemi disparut.

Turenne est accouru. Plus de doute : c’est bien Montecuccoli qui assure sa route; mais Caprara n’a pas dit son dernier mot, et on s’attend à un mouvement offensif venant d’Offembourg. Pendant deux jours, le maréchal se partage entre Wagshurst et Gamshurst. C’est Gamshurst que Montecuccoli fait attaquer le 25; le combat fut sérieux et conduit par Turenne en personne : « Les Anglois y font bien, et par leur cri ordinaire donnent beaucoup de chaleur à l’action[2]. » Hocquincourt fut tué et Feuquières s’y distingua; le soir, les ennemis étaient repoussés.


III. — MORT DE TURENNE (27 JUILLET). L’ARMÉE FRANÇAISE REPASSE LE RHIN (1er AOUT).

Le 26, l’armée française se rallie à Gamshurst; dans la nuit, elle marche. Précédé d’une avant-garde d’infanterie et d’artillerie légère, Turenne conduit la cavalerie de l’aile droite. Avec des intervalles, les régimens d’infanterie le suivent, ainsi que la cavalerie de l’aile gauche, marchant sur plusieurs colonnes, tout prêts à faire en avant en bataille, mais surtout disposés à se former en ligne face à gauche; car, avec plus ou moins d’écart, on croit bien marcher parallèlement à l’ennemi. Le maréchal remonte le cours de la petite rivière d’Achern, qui l’amène au bourg de ce nom ; il y arrive au petit jour (27 juillet).

Achern est au pied des premiers gradins de la Forêt-Noire, là où le terrain commence à s’élever légèrement. Sur la place, une petite église, la chapelle Saint-Nicolas, que l’on voit encore aujourd’hui[3], peinte en lie de vin. Le prêtre était à l’autel; Turenne s’approche : « Dites pour moi les prières des quarante heures. « 

Cependant notre avant-garde approchait de Nieder-Sasbach, village un peu enfoncé à l’entrée d’une gorge dont sort un ruisseau difficile à franchir. Turenne avait ordonné d’occuper ce village, où il comptait soit changer de direction, soit prendre position. L’ennemi l’a prévenu et s’y trouve en forces, retranché dans

  1. Turenne à Louvois; camp de Gamshurt, 25 juillet 1675.
  2. Ibidem.
  3. 1864.