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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra-Comique : Falstaff. comédie lyrique en 3 actes et 6 tableaux ; poème de M. Arrigo Boito, traduit par MM. Paul Solanges et Arrigo Boito; musique de Giusoppe Verdi.


Il ne faut jamais dire aux gens :
Écoutez un bon mot; oyez une merveille!
Savez-vous si les écoutans
En feront une estime à la vôtre pareille ?
Voici pourtant un cas qui peut être excepté.


Ce cas est celui de l’œuvre qu’on vient de saluer chef-d’œuvre. Les « écoutans « par bonheur ont fait de cet admirable Falstaff une estime pareille à celle que nous en faisions nous-même depuis une année. On ne nous taxera donc aujourd’hui ni de précipitation, ni d’engouement, ni de singularité. Peu nous importe d’être les derniers à dire : « Oyez une merveille » ; une seule chose importe et nous enchante : c’est que, fût-ce avant nous, tant d’autres l’aient dit.

La légende raconte qu’un jour Artaxercès recevait les hommages et les tributs de ses sujets. Ils lui offraient de l’or, de l’argent, des pierreries. Un paysan vint, qui présenta au roi un peu d’eau, et le roi le remercia plus que tous les autres. Verdi ressemble à ce paysan. A la musique, rassasiée elle aussi et gorgée de richesses, il a fait ce don inestimable de l’eau; sous la main du vieillard une jeune source a jailli. Ainsi l’aqueduc antique apporte encore à Rome la fraîcheur et la pureté sans pareille de l’acqua Vergine.

Falstaff est une œuvre de vie, de santé, de lumière et de joie. Œuvre de vie, et d’une vie si intense, si naturelle surtout, qu’elle ne paraît pas imitée, mais véritable ; la vie que Dieu donne, et non celle que l’homme copie ou contrefait. Œuvre de joie aussi, et la joie, quoi que