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déposans et comment la campagne entreprise contre nos caisses avait provoqué l’arrêt des dépôts. Il n’y avait aucun prétexte à cet effarement. Que serait-ce si on introduisait dans la législation des mesures imprudentes?

« Quant aux caisses libres que des esprits théoriques voudraient instituer à côté des caisses officielles et qui auraient la pleine disposition de leurs dépôts, elles compromettraient le crédit des caisses officielles. Leur mauvaise gestion réfléchirait, dans le public, sur celle des caisses ordinaires et leur ferait perdre la confiance des déposans. Ces caisses libres existent en Italie. On n’a qu’à aller voir ce qu’elles deviennent. »

Voilà les deux opinions extrêmes. Mais il y a bien des nuances entre le maintien du statu quo et le système des caisses libres ou de la « décentralisation » des fonds des caisses d’épargne. Le Sénat aura pour se guider les rapports si instructifs de sa commission ; il saisira toute l’importance des deux innovations qui y sont proposées : la constitution d’une énorme réserve qui pourra atteindre 10 pour 100 du montant des dépôts, et la faculté donnée à la Caisse de déposer 200 millions en espèces à la Banque de France, outre les 100 millions remis en compte courant au Trésor. Présenter de telles mesures, n’est-ce pas accuser la gravité des problèmes posés par l’accumulation croissante des dépôts aux caisses d’épargne ?

On a vu, il est vrai, l’année dernière, le public retirer subitement des fonds dans une proportion inusitée. A la fin de juin l’excédent des retraits dépassait même 200 millions ; mais dans le deuxième semestre, cette espèce de panique, que rien ne justifiait, s’est calmée, et la confiance est revenue peu à peu. Les dépôts dépassèrent de nouveau les retraits ; la Caisse des consignations, qui pour la première fois s’était trouvée transformée en vendeur de rentes, n’a pas tardé à redevenir acheteur. Dans les deux derniers mois de février et mars, elle a consacré à des acquisitions de rentes un capital de 57 millions. Que l’on multiplie ce chiffre par six, on verra de combien sera accru en 1894 le solde général dû aux déposans des caisses d’épargne, au cas que le vote du projet de loi de réforme soit encore retardé.


VII.

Si la réorganisation du régime des caisses d’épargne intéresse surtout l’avenir économique de la France, la configuration qui va être donnée à son plus prochain budget, celui de 1895, dont le