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au corps législatif, qu’ils ont eu le courage, au lendemain du vote de la surtaxe du blé, de déclarer qu’un relèvement du droit de douane sur les vins serait un remède insuffisant, que la question douanière n’avait rien à voir avec la question de la mévente des vins.

Rien de plus juste. Ce n’est pas la concurrence des vins étrangers qui empêche la consommation française d’absorber les 15 millions d’hectolitres de vins nationaux restés en souffrance, c’est la bière, le cidre, les vins artificiels, les habitudes nouvelles prises par la population pendant la longue bataille engagée contre le phylloxéra; c’est aussi, il faut bien le dire, le défaut de ressources. La consommation reste insensible aux appels éperdus de l’industrie viticole; elle n’achète pas, quoique l’on prétende lui céder la marchandise à vil prix, parce que ses ressources ne lui permettent pas d’accroître sa dépense habituelle en ce qui concerne ce produit.

La principale raison de la mévente est donc la surproduction. La terre a donné 15 millions d’hectolitres de trop, et ils restent pour compte à leurs producteurs. Peut-être aussi la qualité n’a-t-elle pas répondu à la quantité. La chambre syndicale du commerce en gros des vins et spiritueux de Paris et du département de la Seine a parlé, dans une note adressée au gouvernement, de vins à faible degré, dont la conservation sera difficile et incertaine.

« L’affaiblissement du degré des vins français est un des côtés caractéristiques de la reconstitution de nos vignobles, » dit ce même document, attribuant le phénomène aux nouvelles méthodes de culture et au changement de cépages. Si de telles assertions ont quelque chose de fondé, on trouverait là une raison déjà suffisante des hésitations du commerce.

Les viticulteurs ne se sont pas adressés en vain à la Chambre. Celle-ci ne leur a pas accordé tout ce qu’ils demandaient, elle ne pouvait leur donner ni la suppression de l’octroi, ni les transports à prix infiniment réduits, ni la destruction radicale et immédiate du privilège des bouilleurs de cru, ni la prohibition de la consommation de l’alcool. Du moins la viticulture a obtenu, sous la forme d’un ordre du jour contenant de pressantes invitations au gouvernement, des promesses qui ont une sérieuse valeur.

Le gouvernement devra, pour réaliser ces promesses, alléger les impôts qui pèsent sur les vins, déclarer une guerre acharnée aux fraudes et aux sophistications, et présenter des mesures propres à augmenter l’exportation des vins.