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qui constituent le fonds même de notre agriculture et de la richesse publique : la production du blé et celle du vin. Par l’état de souffrance où elles sont en ce moment, on peut juger de ce qu’elles seraient si nous n’avions rien fait pour elles, et si, en dépit de toutes les résistances, nous n’étions pas venus à leur secours depuis dix ans. La meilleure preuve que nous avons été modérés et que nous n’avons pas encore fait assez pour elles est qu’il nous faut aujourd’hui aller plus loin. »

Telles sont les paroles mélancoliques par lesquelles M. Méline a ouvert le 23 janvier dernier les séances de la grande commission des trente-trois, chargée par la Chambre d’étudier divers projets de solution de la question du blé.

Ainsi les précautions prises depuis 1885, l’établissement de droits protecteurs à l’entrée des céréales étrangères, les entraves mises à l’importation des vins d’Espagne, rien n’avait suffi. L’agriculture et la viticulture étaient, et sont encore, en proie aux plus vives souffrances; le président de la nouvelle commission des douanes déclarait qu’il fallait aller plus loin dans le sens de la protection.

Il y eut une période où notre agriculture était fort prospère, et quant à la viticulture, elle a pendant plus de vingt ans suscité et développé d’énormes fortunes ; mais on ne parlait alors ni de protection ni de phylloxéra. Le blé n’était frappé à l’entrée que d’un droit de statistique de 0 fr. 60, et, grâce à des traités de commerce qui nous avaient ouvert de nombreux débouchés, nos vins se vendaient par grandes quantités à l’étranger, en même temps qu’ils trouvaient chez nous un immense marché.

Comme le faisait remarquer M. Charles-Roux dans sa magistrale étude parue ici le 15 janvier dernier sur la question du blé, aussi longtemps qu’a duré le régime de la liberté commerciale pour les céréales, c’est-à-dire pendant les vingt-cinq années écoulées de 1860 à 1885, les prix du blé ont été à la fois fermes et stables; c’est pendant cette période que la production a atteint le chiffre le plus élevé : en 1874 la France a produit 133 millions d’hectolitres.

De 1873 à 1882 le prix du quintal de blé avait varié entre 23 fr. 71 et 33 fr. 48. A la suite de la crise agricole de 1884, le droit de statistique de fr. 60 par 100 kilogrammes fut remplacé par un droit de protection de 3 francs, droit qui fut porté à 5 francs par la loi du 29 mars 1887, abaissé à 3 francs du 19 juillet 1891 au 1er juin 1892, relevé à partir de cette date à 5 francs. Or si l’abaissement temporaire du droit à 3 francs, de 1891 à 1892, fut causé par une hausse subite du prix du blé à 27 francs en 1891, pendant