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satisfaction de leur impatience d’arriver plus vite à la fortune. Craignons aussi, craignons surtout de fournir un prétexte aux pays de l’Europe qui sont nos concurrens et qui ne se feraient pas faute de suivre notre exemple et d’exclure par représailles nos fabrications de leurs marchés. »

Le parti de la protection l’a emporté et le Parlement a voté les fameux tarifs autonomes, maximum et minimum, dont la mise en vigueur en février 1892 était rendue possible par l’expiration, à cette même date, des traités de commerce signés en 1882 pour dix années avec un certain nombre de pays étrangers.

Quelques mois après la substitution des tarifs autonomes aux tarifs conventionnels, nous nous demandions à cette même place (décembre 1892) si la France avait eu vraiment raison de répudier la politique des traités de commerce, d’adopter un régime d’isolement économique qui risquait de fermer à nos produits de sûrs et lucratifs débouchés. Nous montrions les premiers mécomptes accusés par les relevés de l’administration des douanes depuis l’inauguration du nouveau régime, les liens avec la Suisse à la veille d’être rompus, nos relations avec plusieurs autres pays maintenues dans un fâcheux état d’incertitude.

Les événemens se sont chargés de la réponse. On a vu plus haut que le total de nos échanges avec l’étranger, en progression continue depuis 1860, avait dépassé 8 milliards en 1890 et atteint 8 337 millions en 1891. Ce total s’est abaissé brusquement à 7 650 millions en 1892, à 7 146 millions en 1893. Une diminution de 1 200 millions de francs en deux années, voilà la mesure du ralentissement d’activité de notre commerce extérieur depuis que fleurit le régime de la protection.

La démonstration n’est pas moins nette si nous portons plus spécialement notre examen sur les chiffres de notre commerce d’exportation.

La valeur de nos envois à l’étranger s’élevait en moyenne à 1 712 millions par an pendant la période de 1851 à 1860. Elle fut portée à 2 750 millions dans la période décennale de 4 861 à 1870, à plus de 3 milliards dans celle de 1871 à 1880. Il se produisit un temps d’arrêt dans le mouvement d’expansion entre 1881 et 1889 ; mais l’année de l’Exposition universelle vit le chiffre de nos exportations porté à 3 704 millions; en 1890 fut obtenu le total de 3 753 millions.

Déjà en 1891 le total recula à 3 569 millions; il a faibli encore à 3 460 en 1892, à 3 209 en 1893, le chiffre le plus bas qui ait été vu depuis 1885. La diminution est de 251 millions sur 1892, de