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étrangère ; de l’autre, et relié par une connexité étroite avec le conflit douanier, l’obscur et mystérieux problème monétaire. Ce grand fait économique, la baisse du métal argent, dont l’action lente et continue échappe à la masse des observateurs, enserre en ce moment presque tous les peuples civilisés dans le réseau des conséquences inévitables qu’entraîne, depuis 1873, la rupture de l’ancien équilibre de valeur entre les deux métaux qui de tout temps ont fourni la matière de la monnaie. Le problème monétaire est universel, et lorsque le prix de l’argent baisse ou monte à Londres de deux ou trois points, cette indication barométrique annonce que quelque fait économique important se sera passé à Calcutta, à New-York ou à Berlin, dans lequel se trouvent impliqués à la fois les intérêts du paysan hindou, du fabricant de cotonnades dans le Lancashire et du sénateur américain, richissime possesseur d’une mine dans le Nevada. La question de l’argent occupe les gouvernemens d’une façon continue : après les travaux de la grande commission anglaise de l’or et de l’argent, ceux de la conférence monétaire de Bruxelles, puis les débats sur l’abrogation de la loi Sherman aux États-Unis ; en Angleterre les discussions sur le budget indien et sur la politique de la suspension de la frappe. En ce moment encore une grande commission étudie à Berlin les mérites respectifs des solutions monométalliste et bimétalliste.

Nous n’avons pas certes épuisé dans ce rapide exposé la nomenclature des problèmes économiques qui s’agitent au jour le jour. Nous en avons au moins noté les principaux au passage. Tel est le mouvement dont nous nous attacherons à suivre ici périodiquement les péripéties, relevant les faits saillans qui se seront produits dans le trimestre écoulé, les solutions intervenues ou celles qui se préparent. La place principale dans cette étude sera naturellement réservée à notre pays et aux faits économiques où sa fortune, sa prospérité, son rôle dans la civilisation et dans l’équilibre politique international sont intéressés. Presque toutes les grandes questions relatives à l’agriculture, à l’industrie, au commerce et à la monnaie, dans l’ancien comme dans le nouveau monde, ont leur répercussion chez nous ; mais la France a aussi ses questions spéciales, comme cette redoutable affaire des Caisses d’épargne, sur laquelle devrait se porter, toute occupation cessante, l’attention du législateur. Les pouvoirs publics ont donné satisfaction à notre agriculture qui réclamait un surcroît de protection. Enfin deux années écoulées permettent d’apprécier les premières conséquences, au point de vue de nos échanges avec l’extérieur, du triomphe obtenu chez nous par les protectionnistes