Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 123.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la curieuse expérience d’Huygens sous la forme que voici : les deux rayons qui sortent d’un fragment de spath d’Islande sont polarisés et leurs plans de polarisation sont perpendiculaires entre eux.

L’expérience d’Huygens avait semblé, tout d’abord, un phénomène curieux ; les recherches des observateurs firent reconnaître l’extrême fréquence de l’état de la lumière que désignait le mot polarisation et déterminèrent les principales propriétés des rayons polarisés ; mais l’explication même de l’état de polarisation n’en était pas plus avancée, et Young, désespéré de ne point trouver cette explication, en venait à douter de la nouvelle optique.

Si l’état de polarisation d’un rayon, si l’existence d’un plan privilégié attaché à ce rayon, demeuraient inconcevables dans l’optique des ondulations, c’est que, jusque-là, l’optique des ondulations tout entière s’était développée à partir d’une fausse analogie. On avait sans cesse assimilé l’état de l’éther dans un rayon lumineux à l’état de l’air dans un tuyau d’orgue en vibration ; or, dans un semblable tuyau, où chaque particule d’air vibre parallèlement à l’axe du tuyau, comment un plan mené par l’axe du tuyau pourrait-il se distinguer d’un autre plan mené par le même axe ? comment pourrait-il jouer le rôle privilégié de plan de polarisation ? la colonne d’air qui vibre a évidemment les mêmes propriétés sous toutes ses faces. Mais lorsqu’un musicien, pinçant la corde tendue d’une harpe, l’abandonne et la laisse vibrer, toutes les molécules de la corde oscillent perpendiculairement à la ligne qu’elle tracerait à l’état de repos et dans le plan que déterminaient ses deux parties tandis qu’elle était pincée ; ce plan se distinguera alors de tous les autres plans que l’on peut mener par la position d’équilibre de la corde ; ce n’est pas à l’air vibrant dans un tuyau d’orgue, c’est à une corde de violon vibrant sous l’archet que doit être assimilé l’éther agité d’un rayon lumineux ; voilà l’idée qui fut, à la suite d’une expérience célèbre de Fresnel et Arago, soupçonnée par Ampère, entrevue par Young et nettement affirmée par Fresnel ; dans un rayon lumineux complètement polarisé, la trajectoire de la molécule lumineuse est une petite droite perpendiculaire au rayon ; plus généralement, dans un rayon de lumière quelconque, la trajectoire de la molécule d’éther est une petite courbe plane tracée dans un plan perpendiculaire au rayon ; c’est ordinairement une ellipse qui, parfois, s’arrondit en un cercle, qui s’aplatit en un segment de droite lorsque la lumière est complètement polarisée.

Le principe que les vibrations lumineuses sont transversales au rayon le long duquel elles se transmettent, et non pas longitu-